LES PETITS BONHEURS DE JIMMY JACKSON….
SENTINELLES, mise en scène de Jean-François SIVADIER, inspiré du roman Le Naufragé de Thomas Bernhard
Préambule
Sentinelles, écrit et conçu pour trois acteurs par Jean-François Sivadier raconte l’histoire de trois jeunes artistes, pianistes et virtuoses qui se rencontrent dans leur adolescence et deviennent inséparables. A la suite d’un concours international de piano, pour des raisons plus ou moins mystérieuses, ils se trouvent séparés pour toujours. Aussi dissemblables que complémentaires, chacun des trois admirant chez les deux autres ce qui lui manque, ils s’épaulent et se combattent dans un jeu d’équilibre délicat. Une histoire comme un prétexte à interroger les courants violents et antagonistes qui peuvent s’affronter, s’accorder ou se confondre dans le rapport secret que chaque artiste entretient avec le monde.
Aimer le théâtre à en mourir
A Marseille, le Théâtre est actuellement aux prises avec deux trios de géants :
à TOURSKY où Richard MARTIN et ses partenaires présentent la pièce de MATEI VISNIEC, Petit BOULOT pour VIEUX CLOWN (jusqu’au 29 janvier). L’auteur roumain, nourri au lait du Théâtre de l’Absurde (tiercé gagnant, BECKETT, IONESCO, et ADAMOV, ce dernier étant rarement joué aujourd’hui), construit une fable métaphysique dans laquelle trois clowns, particulièrement has been, se rendent à un casting … Bien sûr, ces clowns nous renvoient à nous-mêmes et à notre pauvre Condition humaine…Mais ce qui touche ici, beaucoup plus que ce constat de la désespérance, c’est au contraire , l’hymne à la vie qui éclate dans cet amour du Jeu et du Théâtre… Et à le chanter, cet hymne, dans une mise en scène sobre, essentielle, les trois acteurs, enragés, s’y entendent à merveille! Leur trio surfe sur des vagues de tendresse, d’enthousiasme, de dérision, celle des personnages, comme celle des comédiens, trouées d’angoisse soudaine, sans jamais faiblir….
Aux BERNARDINES, trois autres acteurs, tout aussi possédés, font renaître les personnages bouleversants du roman le Naufragé, de THOMAS BERNARD retraçant le parcours de trois pianistes en devenir dont l’un serait GLENN GOULD. Le spectacle dure plus de deux heures et demie mais il est palpitant. Dans ce lieu magnifique (et glacial), on se prend d’un amour fou pour ces personnages, tous écorchés, également d’admiration (l’inverse est envisageable) pour ces comédiens inépuisables qui s’aiment et s’affrontent dans des débats incessants, ouvrant leurs blessures , leurs désirs d’aimer, d’être aimés, reconnus , d’en avoir honte, dans une danse funambulesque, entre pulsions de vie et de mort. La mise en scène est magistrale, servie par une régie très inventive! On touche au sublime (à l’exception de ce très contestable moment interactif où l’on demande au public de choisir entre …STROMAE et ORELSAN, ou DYLAN et COHEN… sic!). Et inoubliables sont tous ces moments dansés, dans une chorégraphie très contemporaine, qui traduisent les performances pianistiques!
L’univers terriblement sarcastique de Thomas Bernhard était ce mois -ci à l’honneur avec ce spectacle souverain, et l’éblouissante interprétation de Irritation, par HENRI FERNANDEZ au STRAPONTIN… JM
Infos pratiques :
Sentinelles
Jusqu’au 29 janvier au théâtre des Bernardines (Marseille)
Texte, mise en scène et scénographie Jean-François Sivadier avec Vincent Guédon, Julien Romelard, Samy Zerrouki
Assistant à la mise en scène Rachid Zanouda/Son Jean-Louis Imbert/Lumière Jean-Jacques Beaudouin/Costumes Virginie Gervaise/Regard chorégraphique Johanne Saunier
Production déléguée MC93 — Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis/Coproduction Compagnie Italienne avec Orchestre, Théâtre du Gymnase-Bernardines à Marseille, Théâtre National Populaire de Villeurbanne, Théâtre-Sénart, Scène nationale, Le Bateau Feu / Scène nationale de Dunkerque, CCAM I Scène Nationale de Vandoeuvre-lès-Nancy/Avec le soutien de La Colline – théâtre national, du Ministère de la Culture et de la Communication
Sentinelles de Jean-François Sivadier est publié aux Solitaires Intempestifs (2021).
Crédit photo de Une: Sentinelles / Jean Luis Fernandez
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