Le printemps du off #1
Sylvain Cano Clémente, directeur du Théâtre du Rempart, et Harold David à la tête de l’Atypik, de l’Archipel Théâtre et du Rouge Gorge ont présenté un nouvel événement initié par la fédération des théâtres indépendants d’Avignon (FTIA) : le printemps du Off.
Un temps fort en prélude au festival Avignon off
Pendant un mois, du 16 avril au 14 mai, quatorze théâtres ouvrent leur porte à des artistes et compagnies programmés dans le off 2022 pour un temps de résidence de création et une présentation en amont de leur spectacle. A qui s’adresse cet événement et quelles sont les raisons qui en ont motivé la création ?
La FTIA
La FTIA, coprésidée par Sylvain Cano Clémente, Harold David, Fabienne Govaerts du Verbe fou et Anthéa Sogno de la Condition des soies, regroupe une cinquantaine de théâtres avignonnais. Son objectif est de porter la voix des théâtres privés, pour la plupart non subventionnés. Elle est née en 2020 pendant la crise sanitaire, suite à l’annulation du off 2020 actée par l’association festival & compagnies (AF&C), en charge de l’organisation du Off dont la légitimité avait déjà été remise en cause de par le passé.
AF&C s’était calée sur la décision prise par le In d’annuler son édition. Ce choix justifié par son ancien président Pierre Beffeyte a été fait sans concertation avec les théâtres. Il a eu pour effet de raviver les dissensions existant au sein d’AF&C, en l’occurrence entre les théâtres subventionnés, ouverts à l’année, et les théâtres privés, non subventionnés. Pour ces derniers, le gros de la programmation se fait pendant le festival, même si certains sont ouverts à l’année, à l’image du Verbe fou ou encore de la Condition des soies.
Une volonté commune : Être le porte-voix des théâtres privés
Leur modèle économique diffère des premiers, en termes d’impératifs de rentabilité, et ils pâtissent d’une mauvaise réputation véhiculée tant par les médias que par les directions des lieux repérés, pour certains labellisés, dont la jauge est 2 à 4 -voire 5- fois supérieure à 50 places, et qui n’ont pas forcément besoin de louer leurs salles aux compagnies programmées.
Néanmoins, avec la nomination de plusieurs portes paroles de la FTIA, dont Anthéa Sogno et Harold David, au conseil d’administration d’AF&C, les tensions pourraient s’apaiser, d’autant plus si le conseil d’administration actait une présidence double avec un représentant des théâtres et un autre des compagnies, un prérequis pour les membres de la FTIA.
Une ambition : développer une nouvelle dynamique de territoire
En parallèle, depuis sa création, la jeune association réfléchit à deux temps forts, l’un en automne, indépendance(s), annulé en octobre pour des raisons sanitaires, l’autre au printemps, le printemps du off.
A l’occasion de la présentation à la presse du projet, Sylvain et Harold présentent le concept. « L’idée est simple. Elle est née du constat que nos lieux accueillent pendant l’année des compagnies en résidence. Nous avons souhaité mettre en place des temps forts en dehors du festival pour monter leur travail. C’est une volonté forte que d’accompagner les compagnies pour qu’elles se préparent au festival. »
L’association a pour objectif de s’impliquer dans la vie culturelle de la cité tout le long de l’année grâce à ces deux événements. « Nous avons l’ambition de faire d’Avignon une pépinière de création toute l’année, nous en avons les outils et les moyens techniques. D’autant plus qu’Avignon est déjà réputée ville de théâtre : nous souhaitons l’inscrire dans la durée» développent les deux compères.
Un temps fort au service des compagnies
« Cela nous permet de présenter des spectacles programmés au off en avant-première aux journalistes et aux programmateurs. C’est un temps de découverte qui offrira la possibilité aux compagnies d’avoir un article en amont du festival ou juste avant son ouverture » explique Sylvain. « Les compagnies ne louent pas les salles : il n’y a pas de minimum garanti. Nous avons choisi un modèle différent du off » précise Harold. De plus, « Sur 1600 spectacles, il y en a 1300 qui ne voient pas un journaliste : seuls 300 spectacles sont couverts et grâce à ce printemps du off, nous espérons augmenter à 500 ou 600 le nombre de spectacles couverts » continue Sylvain.
Une seconde raison pointe son nez : séduire les avignonnais « qui fuient le off l’été afin qu’ils se réapproprient le festival », mais également « les saisonniers qui pendant le festival travaillent et n’ont pas le temps de voir des spectacles » conclut-il avant qu’Harold ne présente la programmation, rappelant la nécessité que le public pendant le off reste jusqu’à la fin du festival et ne quittent pas la ville dès que s’achève le In.
Un pari risqué
Au total, ce sont 25 spectacles, tout public, allant du classique au contemporain en passant par le théâtre musical ou le stand up, qui seront proposés dans les théâtres participants. Parmi les théâtres, citons le Verbe fou, L’Adresse, l’Albatros, l’Alizée, l’Archipel, Le franco-anglais chapeau Rouge, le vieux Balancier, le théâtre des Lilas, le Pixel ou encore le théâtre de la porte Saint Michel.
Pour la directrice de l’Alizée théâtre, Isabel Patinha, « c’est une première que d’ouvrir pendant l’année » mais elle se réjouit de ce projet tout comme Nancy Maréchal dont le théâtre l’Albatros va fêter sa 43ème participation au off ou encore Claude Couffin dont ce sera la seconde année d’ouverture, hors période estivale, pour des résidences dans son théâtre des Lilas. Jérôme Tomray du Pixel alerte sur l’accessibilité des spectacles, les tarifs n’excédant pas 15€ : « de nombreuses réductions sont possibles également ».
Zoom sur trois créations
Après une ouverture par la marraine Judith Magre le 16 avril « avec les mots d’un amour », lecture d’un texte de Marguerite Duras et Yann Andréa au théâtre du Rempart à 20h, le printemps du off offrira un festival de spectacles en tout poil. En l’occurrence au théâtre de la porte Saint Michel à la programmation dense.
Pitchipoï
Cette création raconte l’histoire d’une survivante à la barbarie nazie au travers du récit de l’histoire d’une petite fille juive déportée à Auschwitz qui avec sa mère réussira à s’enfuir du camp de concentration. Adapté du livre Refus de témoigner de Ruth Klüger, le spectacle met en scène Fabienne Babe qui incarne ici le texte avec sobriété. Ce sera les 22 (à 20h) et 23 avril (à 16h30).
Hot Pussy Show
Ce printemps du off sera ainsi l’occasion de découvrir une jeune artiste, Maïmouna Coulibaly, dont le livre « Je me relève » relate le parcours de résilience grâce au théâtre et à la danse après avoir fait face à de terribles violences. Dans le seul en scène mâtiné de stand up où le rire se mêle aux larmes, Hot Pussy Show, présenté le 30 avril et 1 er mai, elle aborde des sujets tabous tels que le viol, les agressions sexuelles, la masturbation féminine, le body positivisme, l’excision, la maternité… Mêlant musique, danse et témoignages, elle propose une expérience inattendue qui ne laissera personne indifférent.
Mahalia et moi
Le spectacle musical en hommage à Mahalia Jackson sera présenté en avant-première à Marseille, le 6 mai à l’église Saint Laurent à 20h30. Surnommée la Reine du Gospel, la chanteuse originaire de Louisiane, militante pour les droits civiques aux côtés de Martin Luther King, lui avait par ailleurs inspiré son célèbre discours « I have a dream » en 1963.
In fine, des tables rondes et des temps de réflexion sur les enjeux du spectacle vivant aujourd’hui viendront conclure ce temps fort ambitieux. Une bonne nouvelle pour les amateurs de spectacles que la jungle du off et la chaleur estivale tendent à rebuter. A vos agendas ! Diane Vandermolina
Programme complet ici : https://printempsduoff.fr/
Crédit photos : ©FIAT
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