Don Carlo de Verdi
DON CARLO de Giuseppe Verdi (1867)
Livret de Joseph Méry et Camille du Locle, d’après la tragédie Don Karlos, Infant von Spanien, ‘Don Carlos, Infant d’Espagne’, de Friedrich von Schiller, de 1787, version de Milan de 1884, livret révisé par Charles Nuitter et traduit en italien par Angelo Zanardini.
Opéra de Marseille/5 juin 2022
Réalisation et interprétation
Finalement, la fable romanesque dit une vérité politique qui dépasse les temps. La schématisation lyrique des sentiments perd en vérité historique précise ce qu’elle gagne en vérité humaine universelle. Si Don Carlo et Élisabeth, hors la beauté de leurs airs, ne sont que le couple conventionnel d’amoureux victimes de l’opéra traditionnel, elle, fidèle comme une Amélia, partageant la douceur poignante des adieux avec tant d’autres de leurs semblables verdiens, Violetta et Alfredo, Aïda et Radamès, héros tout d’une pièce, sans évolution, Eboli, personnage vrai mais faux, en quelques scènes, est une héroïne passionnée, déchirée de contradictions, l’amitié de Posa et de l’Infant ne serait qu’un cliché comme celle d’Oreste et Pylade de Gluck, de Zurga et Nadir contemporains (1863) si la dimension politique éclairée du Marquis, son sacrifice, ne lui donnaient une autre portée. Enfin Philippe II est montré sous deux lumières, l’officielle de la légende noire[1], mais la vérité intime de l’homme, sa solitude du pouvoir, absolu sauf en amour, et sa lucidité, l’élèvent au rang de héros grandiose et simple : humain, trop humain, comme aurait dit Nietzsche.
La mouture remaniée pour Milan de 1884, allège la version parisienne de Don Carlos (1867) d’un romanesque premier acte situé à Fontainebleau (mais qui demeure une belle réminiscence musicale) et d’un ballet au IIIe dans la tradition française, gardant, bien sûr, les effets théâtraux de l’opéra historique, les péripéties amoureuses palpitantes, une spectaculaire procession inquisitoriale pour un terrifiant autodafé. Traduite en italien, elle deviendra ensuite le Don Carlo sous le nom italianisé du héros.
Esprit de troupe
Parfait connaisseur des voix internationalement apprécié et sollicité comme le soulignait Lawrence Foster lors de la présentation de presse de la prochaine saison, il y a une autre qualité du Directeur Maurice Xiberras que je me dois de signaler : il a su se créer une fidèle pléiade de chanteurs faisant leurs armes à l’Odéon puis à l’Opéra, pour des « seconds rôles », habitués à travailler ensemble, forgeant la cohésion et la solidité d’un véritable esprit de troupe (Géa, Camps, Delpas…), tout en donnant leur chance dans des premiers rôles risqués à de nouveaux venus, un tremplin pour certains : ainsi, Courjal, digne de cette confiance, couronné d’entrée indiscutable Philippe II en 2017. On peut imaginer sans peine que les prises de rôles de Chiara Isotton en Elisabetta et de Jérôme Boutillier en Posa, s’imposant d’emblée, vont suivre ce même chemin.
On connaît l’esprit unitaire de la trinité, artistique, Roubaud/Favre/Duflot : trois en un convergent parfaitement à la réussite du spectacle, éclairé avec une subtilité dramatique, ombre et lumière, fastes de la cour et ténèbres des coulisses et intrigues du pouvoir par leur complice Marc Delamézière. Avec sagesse, sans chercher la facile épate de l’académisme ambiant qui afflige déjà, au prétexte de modernité, les scènes lyriques depuis un demi-siècle, Charles Roubaud se contente de prendre l’œuvre comme elle est : il ne la transpose pas dans un camp de concentration, dans un hall stalinien d’hôtel, toutes choses qu’on a vues, et la Princesse Eboli n’y repasse pas non plus les calçons de Philippe II. Nous sommes donc, à quelques signes significatifs, sans nul encombrement naturaliste de décors, dans les lieux que narre l’histoire, le couvent de Saint-Just (Yuste) dont Charles Quint fit son tombeau, la cour d’Espagne et, par erreur de ville et de basilique, la vaste nef de Nuestra Señora de Atocha qui est à Madrid et non à Valladolid.
La scénographie d’Emmanuelle Favre est saisissante, une unité presque abstraite souplement mobile d’indistincts panneaux sombres et draperies funèbres, pesant, oppressants symboles de pouvoir politique et religieux répressifs, sur la chair et les âmes, dans un lieu où même les arbres sont aussi prisonniers. Dans un presque perpétuel clair-obscur de peinture flamande ou un ténébrisme caravagesque (Marc Delamézière), où des trouées de lumière dessineront les ombres des barreaux sur le sol, des projections animent d’abord et en fin, les écrans ombreux de nébuleuses images oniriques, rêve ou cauchemar plein de choses inconnues, où l’on distingue vaguement le gisant de Charles Quint, la future Sainte Thérèse du Bernin, et quelques motifs mêlés méconnaissables par l’échelle, agrandis, de peintures espagnoles (vidéos Virgile Koering).
Les costumes de Katia Duflot, comme toujours, sont d’une aussi grande beauté esthétique, prime du goût, que d’une vérité historique, fruit de la culture, à un plaisant détail près. Le noir domine justement. Charles Quint l’avait suggéré comme la plus décente des couleurs, Philippe II l’impose à sa cour pour respecter la modestie nouvelle prescrite par les canons du Concile de Trente et, dit-on aussi, pour recevoir les influx bénéfiques de Saturne, la planète de la mélancolie qui régnait sur son humeur de monarque solitaire et travailleur. Ici, on le voit en blanc, pour le distinguer de la foule noire des courtisans, couleur qu’il ne porta jamais semble-t-il. Une teinte plus légère distingue de la masse les robes de cour d’Élisabeth, dans les gris, et d’Eboli, bleutée ou les costumes du jeune page Tebaldo virevoltant, papillonnant, avec une grâce mutine de Chérubin (Caroline Géa).
Les députés flamands flambent du rouge de leur hérésie plus que du bûcher auquel les vouent vainement, et faussement, les flammes inquisitoriales. Cependant, contrairement à ce que l’on pourrait croire, le noir (qui aurait séduit Soulages) était une teinte de luxe, dont l’Espagne détenait le secret grâce à des bois et ingrédients précieux d’outre-mer, bien différent du noir, bien vite délustré et virant au gris sale, du reste de l’Europe. Ironie de l’Histoire, les protestants adopteront cette sévère couleur ou non couleur imposée par l’ultra catholique Espagne.
Les dames, poitrine « cartonnée » pour l’aplanir, les corps empesés pour en gommer les formes, cintrées dans les deux triangles opposés joignant à la taille de leur sévère vertugadin, ‘garde vertu’ et corset garde corps à peine allégé de quelques voiles extérieurs comme des ailes diaprés d’insectes à dure carapace malgré la soie et le velours. La fraise discrète donne à la nuque la raideur espagnole d’un peuple conscient de sa mission historique universelle : le sens précis de « catholique », affiché ostensiblement par les croix. Beau contraste avec les blanches robes monacales des moines dominicains que Roubaud sait mettre en place avec le sens dont il sait manier et placer les foules, pictural et sculptural, musical : blanches et noires de la musique.
Dans l’église, invraisemblable scène d’autodafé, une immense croix comme vidée ou vissée de ciel, s’emplira d’images lointaines bleutées, découpées, de suppliciés, avant des flammes signifiant métonymiquement le bûcher qui nous sera ainsi épargné dans cette mise en scène symbolique et non réaliste autrement que dans les affrontements humains et les sentiments.
Interprétation
Venue du ciel, la Voix céleste de Cécile Lo Bianco tombe dans la tombe de la fosse d’un orchestre trop fort qui noie sa compassion de source fraîche de larmes sur ce moment terrible. Caroline Géa, apporte sa terrestre espièglerie au rôle travesti de Tebaldo, qui n’a pas la jubilation acrobatique en vocalises de l’Oscar du Ballo in maschero de dix ans antérieur, marquant bien l’évolution de Verdi qui abandonne le bel canto romantique pour une déclamation lyrique dramatique. Pareillement, le chœur, moins nombreux ici que dans d’autres œuvres plus unanimistes, comme si le peuple restait en marge de la marche de l’Histoire concernant les grands, même lors de l’autodafé fait pour impressionner la foule, est maintenu dans les cordes et en volume par la maîtrise d’Emmanuel Trenque. Dans la délégation des députés flamands, dans une amorce de polyphonie discordante du discours orthodoxe officiel, on reconnaît la silhouette et la voix bien campée de Samy Camps, digne héraut, fusant fièrement sur les graves de Jean-Marie Delpas, et le mâle chœur de Lionel Delabruyère (déjà dans la production de 2017), Florent Leroux Rocha, Dmytro Voronov et le jeune Jonathan Pilate, dont j’avais déjà pu apprécier le timbre velouté de baryton… dans notre commune salle de sport avant la pandémie. Christophe Berry est un bien noble Comte de Lerma.
Voix ascendantes, dissidentes, que, d’avance, on sait étouffées par la voix et la pensée uniques du fanatisme, même implorant miséricorde pour l’Empereur par le moine solitaire au timbre tremblant d’abord de Jacques-Greg Belobo, ferme à la fin. Sépulcral dans le grave profond, mais sombre comme la tombe à laquelle, avec un pied dedans, il semble vouer le monde entier qui lui résiste, Simon Lim, incarne terriblement le Grand Inquisiteur aveugle, yeux ouverts sur d’autres mondes, fermé à la vie, à la tendresse paternelle, inflexible sacrificateur spectre effrayant de mort.
Varduhi Abrahamyan est une éblouissante et mobile Éboli, toute oreilles et yeux aux aguets d’intrigante, autour de Posa et la reine, aussi insinuante et sinueuse que les vocalises perlées qu’elle déploie voluptueusement dans la chanson du voile, avec des roulades rondes sur la même note, typiques du flamenco. La délicate scène de comédie, vaudevillesque en somme, qu’est le quiproquo nocturne du jardin, est tiré brutalement vers le tragique de la vengeance par la haineuse conviction qu’elle met dans ses imprécations et menaces : c’est le rôle, mais elle le vivifie par sa venimeuse vitupération de comédienne innée où la nature courtisane du paraître rejoint une vérité de l’être. Son monologue introspectif, ses remords mordants, sont grandioses et c’est sans effort qu’elle se tire, comme un cri, de l’aigu meurtrier de la résolution héroïque de la rédemption par le sacrifice personnel.
Belle, digne reine digne de son rang, Chiara Isotton entre comme chez elle dans ce rôle qu’elle prend pour la première fois : voix charnue, sans nulle lourdeur, sans noirceur dans le grave, timbre soyeux, lumineux et plein dans l’aigu, monte et descend avec aisance ; c’est une sensible et crédible Élisabeth de Valois, déchirée entre amour et devoir, mais rigoureusement fidèle à son rang, à son honneur, allure et figure souveraines en tous ses gestes et expressions avec un naturel émouvant, bouleversante dans ses adieux bleutés, mouillés de larmes à sa dame de compagnie, la Comtesse d’Aremberg renvoyée en France par l’impitoyable Philippe pour le crime d’avoir un instant dérogé à l’étiquette inflexible d’avoir laissé un instant seule la reine d’Espagne. Son dernier air, terrible par la longueur et les sauts, est maîtrisé magistralement, sonne comme une vanité baroque tragique adouci de douleur humaine et de larmes, du forte aux pianissimi touchants.
À ses côtés, le ténor Marcelo Puente campe un Don Carlo, assez juste physiquement jeune, maladroit face à la femme aimée. Il donne un côté nerveux, buté, finalement un Infant non sans infantilisme, assez crédible, héros sans emploi, incertain ; même son affirmation vocale lumineuse, la puissance de sa voix, sert la vérité d’un personnage aspirant à la puissance mais fragile, en quête fébrile d’une reconnaissance qu’on lui refuse, et toujours dans la démonstration de ses mérites déniés pour un costume royal trop grand pour lui. Le Marquis de Posa, magnifique création verdienne, lui apporte une mesure et une rationalité qu’il semble ne plus contrôler et la délicatesse d’approche, tendre, touchante, fraternelle et paternelle, presque d’une douceur féminine, qu’il prodigue à ce prince immature arrive à nous rendre sensible, tangible le vide affectif de la vie de l’Infant, enfant sans mère et père toujours absent : femme-mère œdipiennement interdite par l’écrasante figure patriarcale du roi. Prise de rôle pour Jérôme Boutillier, superbe baryton qui semble pourtant, comme la soprano, avoir toujours habité le rôle. Par son jeu, son allure et sa figure, comme Jean-François Lapointe dans la distribution de 2017, à la pointure duquel il semble se mesurer, il fait de cette amitié la puissance virile protectrice, d’une noblesse de convention lyrique, une vérité et une humanité bouleversantes. Voix belle sur toute sa longue tessiture, qu’il sait plier du murmure, du chuchotement au cri, et son dernier air à Carlo est pratiquement une berceuse d’une douceur infinie, comme un doux testament d’amour dans laquelle il se glisse tout naturellement.
Finalement, Posa serait le fils idéal pour Philippe, et l’on sent une autre histoire d’amitié parallèle tragiquement avortée, trahie par la vie, entre le Marquis loyal élevé au rang de duc par le pouvoir royal, mais sacrifié par une déraisonnable raison d’état imposée par l’Inquisiteur. Le roi est, dans ses blessures et sa grandeur, charnellement incarné par Nicolas Courjal. Roubaud n’avait pas vieilli le jeune chanteur en 2017 puisque Philippe II était loin d’être le vieillard dépeint abusivement par l’opéra. Cette jeunesse, même avec cinq ans de plus, rend plus cruel et injuste le sentiment de n’être pas aimé par sa femme et explique qu’il se soumette finalement au dictat de la figure patriarcale terrifiante de l’Inquisiteur contre laquelle il se révoltait comme son fils face à lui : l’ombre écrasante des Pères plane, de l’Empereur Charles Quint en son tombeau de pierre au Roi pétrifié pour écraser la chair des fils. Avec une justesse historique, comme je le disais, déjà, Courjal prête à Philippe II, en public, la raideur ou grandeur hiératique que l’on décrivait, ou décriait, à ce roi figé par l’étiquette, tenu de dissimuler ses sentiments, ne disant sa guise ni à sa chemise, comme conseille Gracián aux politiques. Et ce n’est qu’en chemise, dans la solitude de son bureau, qu’il ose interroger ses tourments d’époux d’abord, puis de roi : courbant sa royale tête, déposées les armes, ou la couronne et le sceptre, l’armure du costume, dans la solitude du cabinet et la nudité, se tenant au rideau comme fragile appui du monde instable, dans son célèbre monologue, Courjal, qui sait chanter la mélodie comme on chante l’opéra et l’opéra comme on nuance la mélodie, je le répète, recrée ce chef-d’œuvre d’introspection en le rendant à la vérité de la confidence pudique à soi-même, à mi-voix, comme étonné ou vaguement confus de ce que le monarque le plus puissant de son temps pour l’Histoire ose s’avouer de son histoire d’homme : oui, humain, trop humain. Dès que l’on annonce l’Inquisiteur, pourtant aveugle, belle trouvaille de mise en scène, comme d’une cuirasse royale, il revêt sa veste, dissimulant sa fragilité. Musicalement, il se coule dans la couleur douloureuse du violoncelle dont la corde sensible ne semble faire qu’un avec la sienne et celle de sa voix. On admire, dans la scène précédente avec Posa, sa longue phrase répétée presque tendre, paternellement protectrice, murmurée d’abord comme à l’oreille, qu’il adresse au Marquis, le mettant en garde contre le Grand Inquisiteur.
Sous la direction musicale de Paolo Arrivabeni, l’Orchestre de l’Opéra de Marseille semble s’abandonner, parfois avec trop de nerf, aux délices de la nouvelle palette que Verdi donne à son œuvre, abandonnant les ronflants flonflons abondant dans les œuvres précédentes, souvent simple accompagnement des voix. On sent le bonheur de faire rutiler certains pupitres, que l’on a le sentiment de redécouvrir et, sans doute dans cette jouissance, les lignes sont moins sensibles, ou nous les percevons moins bien à une seule écoute avec la difficulté de la distance critique qui parasite l’abandon à l’écoute voluptueuse, la musique, spatialisée, se percevant selon la place où l’on se trouve. En tous cas, nous comprenons ce qui put déconcerter les auditeurs de la création et les accusations pas fondée sérieusement de « wagnérisme » mais qui traduisaient la perception réelle d’un orchestre qui, sans rien perdre de son soutien italien au chant, de la fosse, tend à une nouvelle autonomie nourrie de son commentaire de la scène nous offrit à merveille ce retour et cette écoute nouvelle d’un Don Carlo retrouvé et redécouvert.
DON CARLO
de Verdi
Opéra de Marseille,
03, 05, 08, 11juin
COPRODUCTION OPÉRA NATIONAL DE BORDEAUX / OPÉRA DE MARSEILLE
Direction musicale : Paolo ARRIVABENI
Assistant à la direction d’orchestre Néstor BAYONA
Mise en scène : Charles ROUBAUD
Assistant à la mise en scène : Jean-Christophe MAST
Costumes : Katia DUFLOT
Décors : Emmanuelle FAVRE
Lumières : Marc DELAMÉZIÈRE
Vidéos : Virgile KOERING
Régisseur de production : Jean-Louis MEUNIER. Seconde régisseuse Camille BIDAULT Régisseuse de figuration : Alexandra BEIGNARD
Surtitrage : Richard NEEL Régie de surtitrage : Qiang LI
Pianiste / Cheffe de chant ; Astrid MARC
Chef de chant Emmanuel TRENQUE
Pianiste / Cheffe de chant : Astrid MARC
Distribution
Élisabeth : Chiara ISOTTON
Princesse Éboli : Varduhi ABRAHAMYAN
Tebaldo : Caroline GÉA
La Voix du ciel : Cécile LO BIANCO
Don Carlo : Marcelo PUENTE
Philipe II : Nicolas COURJAL
Rodrigo de Posa : Jérôme BOUTILLIER
Le Grand Inquisiteur : Simon LIM
Le Prêtre : Jacques-Greg BELOBO
Le Comte de Lerma : Christophe BERRY
Un héraut flamand : Samy CAMPS
Les Députés flamands : Lionel DELBRUYÈRE, Jean-Marie DELPAS, Florent LEROUX ROCHE, Jonathan PILATE, Dmytro VORONOV
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Photos Christian Dresse :
- Un infant infantile aux pieds de son amante et mère ;
- Jeu de dames, Page au centre
- Députés flamands ;
- Éboli et Posa ;
- Mort de Posa dans les bras de Carlo.
- Grand Inquisiteur et roi ;
- Éboli implorant le pardon de la reine trahie (en une) ;
POINT DE VUE HISTORIQUE SUR DON CARLOS
À reprise d’une production de juin 2017 qui n’a pas pris une ride, reprise d’un article dont j’espère qu’il en a pas pris non plus, du moins dans ce qui relève d’une Histoire telle qu’en elle-même l’éternité ne la change pas. Je n’ai rajouté que quelques détails de l’historiographie d’aujourd’hui sur les « massacres de voisinage ».
LE VRAI DON CARLOS : ENFANT GÂTÉ, PRINCE GÂTEUX
Don Carlos, dans son nom espagnol, était une commande, en français, de l’Opéra de Paris, montée en 1867, révisée en 1884 à Milan, ouvrage ensuite traduit en italien.
Le livret fut écrit par Joseph Méry et Camille du Locle, d’après la tragédie Don Karlos, Infant von Spanien, ‘Don Carlos, Infant d’Espagne’, de Friedrich von Schiller, de 1787, elle-même inspiré d’autres écrits (voir plus bas). Sur certains détails historiques vrais [1], c’est une affabulation romantique qui narre la supposée rivalité entre le prince héritier Don Carlos et son père le roi Philippe II d’Espagne qui a épousé, il est vrai, pour des raisons politiques, la fiancée qu’il lui avait d’abord destinée, Élisabeth de Valois, fille d’Henri II et de Catherine de Médicis, pour sceller la paix entre l’Espagne et la France. L’action se déroule sur fond de révolte des Flandres contre l’Espagne, historiquement vraie, mais conflit postérieur à la mort de l’infant.
Mais la pièce et l’opéra donc, inventent une idylle préalable entre l’Infant espagnol et la jeune princesse française qui se seraient rencontrés à Fontainebleau, érigeant Don Carlo en héros romantique amoureux trahi par son propre père, et par ailleurs désireux d’arracher les Pays-Bas à la souveraineté espagnole. Il est vrai aussi, pour alimenter la légende, qu’Élisabeth de Valois et Don Carlos naissent et meurent la même année (1544-1568), à 23 ans, à quelques mois d’intervalle. Mais ils n’avaient que 14 ans lors du fameux mariage royal de 1559, par procuration, qui ne sera par ailleurs consommé que deux ans plus tard eu égard à la jeunesse de la princesse française.
Autre vérité historique : l’habitude des mariages inégaux en âge étant presque une norme, le mari toujours plus âgé que l’épouse, lorsqu’ Élisabeth arriva en Espagne pour rejoindre enfin son époux, à la jeune princesse, sans doute agréablement surprise en le voyant, Philippe II dit en souriant : « Vous regardez si j’ai des cheveux blancs ? » Il n’avait que 32 ans.
La pièce, s’emparant de ce trait d’humour, le renverse et en fait le constat dramatique d’un homme âgé, malheureux de cette différence d’âge avec la jeune femme qu’il aime et qui ne l’aime pas. C’est le moment sans doute le plus poignant de l’opéra de Verdi : seul dans son cabinet, ayant travaillé des dossiers toute la nuit, vérité d’un roi administrateur, voyant poindre l’aurore, Philippe II revoit l’arrivée d’Élisabeth en Espagne, découvrant tristement ses cheveux blancs, et il médite sur cet amour déçu et sur la solitude du pouvoir. Magnifique vérité humaine sur un mensonge historique.
Non, Philippe II n’était pas un vieillard lorsqu’il épousa Élisabeth de Valois qu’il aurait arrachée, contre son gré, à son immature adolescent de fils. Mais la légende, tragique, est si belle que l’on a du mal à lui opposer la vérité historique, dramatique certes, mais moins romanesque. Qui fut ce don Carlos magnifié par le théâtre et l’opéra ?
Le vrai Don Carlos, élevé par ses tantes en l’absence de son père, fut un enfant gâté et un prince gâteux, sénile dès sa jeunesse, odieux à tous.
Il en est des familles comme des peuples et des cultures : le mélange des sangs les régénère, les rajeunit et la fermeture des frontières raciales et culturelles les anémie, les appauvrit, faute d’oxygène et du bénéfique renouvellement génétique des mélanges, des métissages. Ce fut le drame des longues dynasties royales, usées par des mariages endogamiques, consanguins, entre membres proches d’une même famille. Ce fut, à terme, la tragédie pas si lointaine des Romanov, des Habsbourg d’Autriche et, d’abord, des Habsbourg d’Espagne.
Carlos naît du premier mariage de Philippe II avec sa double cousine germaine, maternelle et paternelle, Marie de Portugal, qui meurt quelques jours après la naissance. La famille est si mêlée qu’il a seulement quatre arrière-grands-parents au lieu des huit pour une famille normale. Philippe, n’a pas encore hérité l’empire de son père Charles Quint qui abdiquera en 1555 ; il voyage, d’Italie en Flandres en passant par la Bourgogne et la Franche-Comté, dans ses futurs états européens puis s’installe en Angleterre où il a épousé en 1554 sa grand tante Marie Tudor, régnant avec elle jusqu’à sa mort en 1558, une femme plus âgée que lui à l’inverse de son futur mariage, l’année suivante, mais encore par procuration, avec Élisabeth.
L’infant Don Carlos, seul en Espagne, a donc été élevé par ses tantes qui, pitié et impuissance, lui passent tout : enfant gâté, il est maladif, difforme, débile mental, d’une effroyable cruauté qui épouvante autour de lui. Il joue à brûler vif des animaux, crève les yeux des chevaux, oblige un bottier à manger sa botte, hurle, tempête, prompt à jouer de sa dague, manquant tuer son oncle, le superbe et héroïque Don Juan d’Autriche (1547-1578), fils bâtard de Charles Quint, souche saine d’une union non consanguine, futur vainqueur de la bataille de Lépante contre les Turcs (1571), que son frère Philippe nommera gouverneur des Pays-Bas.
Philippe II (1527-1598), déplorait lucidement, à la fin de sa vie : « Dieu, qui m’a donné tant de royaumes, m’a refusé un fils capable de les gouverner. » Ce fut le drame de ce grand et puissant monarque régnant sur tous les continents, le soleil ne se couchait jamais sur son empire. Il prévoyait fatalement, à la fin de ses jours, que son successeur, Philippe III, issu également d’un dernier mariage consanguin avec sa nièce autrichienne, abandonnerait le pouvoir aux mains de favoris, mais il demeurait blessé du douloureux souvenir de son premier fils du premier lit, à demi fou, incapable de monter sur le trône : en 1568, il fut contraint d’enfermer Don Carlos qui avait peut-être même attenté à ses propres jours, en tous les cas, voulu s’emparer des Pays-Bas. Ce sont les protestants hollandais insurgés contre l’Espagne catholique qui, pour des raisons politiques et religieuses, cherchant leur indépendance, créeront la légende noire de Philippe II, relayée par les Anglais et les Français en guerre contre le puissant Empire espagnol invaincu pendant un siècle.
Le mariage du roi avec Élisabeth fut heureux mais elle mourut en couches et Philippe en fut très affecté. De ce mariage, enfin avec un sang renouvelé, non consanguin, naquirent deux filles, deux saines princesses, très aimées, Isabel Clara Eugenia, à laquelle Philippe II offrit le gouvernement des Pays-Bas où elle régna à la satisfaction de son peuple. On voit d’ailleurs à Bruxelles, sa capitale, des témoignages de l’estime qu’on portait à Isabelle Claire-Eugénie (1566-1633). Du monarque le plus puissant de son temps, contraint de masquer toute manifestation de sensibilité, on dit qu’il grimpa au sommet d’une tour pour voir jusqu’au bout le carrosse de sa fille bien-aimée qu’il ne devait plus jamais revoir, et qu’il éclata en sanglots. Lorsque sa seconde fille, Catalina Micaela, partit pour épouser le duc de Savoie, il l’accompagna jusqu’à Barcelone et suivit d’un promontoire le navire qui l’amenait jusqu’à sa disparition à l’horizon. Père tendre, il ne cessa de correspondre jusqu’à sa mort avec ses deux filles d’Élisabeth de Valois.
Vérités historiques : d’une décolonisation à une autre
Contexte historique
La religion chrétienne avait été le ciment unitaire d’une Europe diverse et divisée. Au XVIe siècle, cette unité religieuse s’est déchirée entre catholiques et protestants. Plus que tout autre monarque, Charles Quint, qui règne sur plusieurs continents, dont l’empire européen est immense et morcelé, d’une Espagne unifiée récemment contre les derniers musulmans vaincus et par l’expulsion des Juifs, de l’Italie aux trois quarts espagnole , de ses possessions germaniques, en passant par la Bourgogne, la Franche-Comté et, enfin, les Flandres, en réalité, ce que l’on nomme aujourd’hui le Benelux (Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, la frontière espagnole étant sur la Somme, à 110 kilomètres de Paris), a besoin du facteur commun religieux pour homogénéiser ses états disparates que la doctrine de Luther, depuis 1521, fracture dangereusement. Malgré sa tolérance intellectuelle pour la Réforme, il ne peut tolérer ce ferment politique dissolvant et tente de trouver des accommodements entre les deux doctrines chrétiennes désormais dramatiquement opposées.
Il demande au pape Paul III de convoquer un concile pour justement tenter de concilier les problèmes de dogmes. Ce sera le fameux Concile de Trente (1545-1563), récusé par les protestants, dont ni lui ni le pape ne verront la fin. Les princes germaniques ont embrassé la Réforme d’autant plus aisément qu’elle les autorise à confisquer d’immenses richesses de l’Église catholique qu’ils n’ont nulle intention de rendre : ce concile avorté de la réconciliation chrétienne devient celui de la Contre-Réforme catholique, de l’offensive contre le protestantisme. Faute d’accord religieux, la guerre éclate. L’empereur écrase les princes protestants à la bataille de Mühlberg en 1547. Cependant, par la Paix d’Augsbourg (1555) il leur accorde la liberté de culte, le peuple restant soumis à celui de son prince (cuius regio, eius religio), en somme : un roi, une loi, une foi.
Fatigué des « vanités du monde qu’il a connues », comme dira justement l’opéra, Charles Quint abdique partie de ses possessions en faveur de son fils Philippe à Bruxelles en 1556, laissant la part germanique à son frère. Celui qui devient ainsi Philippe II, dès cette cérémonie, apparaît comme étrange, étranger : contrairement à son père cosmopolite et polyglotte, il est incapable de s’adresser en leur langue aux Flamands. Par la volonté de son père, il a été éduqué en strict Castillan, dressé par une rigide étiquette que l’Empereur a lui-même codifiée, qui sera celle des Habsbourg d’Autriche jusqu’en 1918. De sa lointaine et noble Espagne, Philippe comprend mal les aspirations et les intérêts économiques de ses sujets flamands, bourgeois commerçants de ses provinces du nord en plein essor économique, impatients de se lancer dans le fructueux commerce maritime américain dont les Espagnols gardent jalousement le monopole à Séville. Face à la menace anglaise et protestante d’Élisabeth I qui succède à sa catholique épouse Marie Tudor qui est morte, Philippe tente maladroitement d’imposer l’Inquisition comme garante de l’unité religieuse.
Inquisition et « massacres de voisinage » religieux
Créée en France contre les cathares, tard venue en Espagne, l’Inquisition est devenue un instrument terrible, pratiquement autonome, de vigilance aiguë de l’orthodoxie religieuse. Mais contrairement à ses images de spectaculaires d’autodafés, fastueuses et longues cérémonies théâtrales pour frapper les esprits, d’autant plus mis en lumière qu’ils sont rares car très chers, il n’y a jamais torture (l’Inquisition ne verse pas le sang) ni mise à mort, interdite à l’Église : les condamnés sont abandonnés au bras séculier, et la peine maximale, le bûcher pour les impénitents qui ont refusé d’abjurer, est exécutée le lendemain hors des murs de la ville, en l’absence des autorités. Les sentences les plus nombreuses sont les confiscations de bien, les amendes, les peines infamantes, coups de fouet avec promenade à dos d’âne à l’envers par les rues de la ville[2].
L’historiographie estime aujourd’hui que l’Inquisition espagnole a causé moins de victimes au total que les tribunaux civils européens de la même époque. L’Espagne du XVIe siècle n’a en tous cas pas connu les ravages des discordes religieuses qui déchirent l’Europe : huit guerres de religion (1562-1598) rien que pour la France, et « les » Saint-Barthélemy, 24 août 1572 et jours suivants pour Paris, étendue à d’autres autres villes, ont semble-t-il causé entre 10 000 à 30 000 victimes pour ces seules journées d’août : des carnages que l’historiographie actuelle classe dans les « massacres de voisinage », puisque bourreaux et victimes étaient des voisins, seuls ces derniers pouvant savoir qui était protestant et non le pouvoir royal de Catherine de Médicis, qui n’aurait commandité « que » la mort de quelques chefs huguenots, pratique qui n’était pas rare à l’époque —qui persiste encore dans certains pays aujourd’hui comme on le voit dans l’assassinat plus au moins dissimulé d’opposants politiques.
Appareil d’oppression religieuse de l’Église comme la corrida est celle de la noblesse qui en a le privilège afin de soumettre le peuple par la terreur, sans doute plus grave que l’atteinte impitoyable aux personnes physiques, l’Inquisition espagnole attente aux idées, censure et poursuit toute nouveauté, toute pensée audacieuse en science subordonnée à la religion. C’est l’Inquisition romaine qui condamne en 1633 Galilée pour sa confirmation de l’héliocentrisme de Copernic, théorie des mouvements de la terre…qu’on enseignait à Salamanque sous le règne de Philippe II. Peu de cas de sorcières brûlées en Espagne, mais nombre de livres et d’idées réduits en cendres. La répression entraîne la régression intellectuelle et le pays qui était à la tête de la science de son temps qui, par la navigation astronomique, la cartographie et la mesure mathématique du monde, avait permis les grandes découvertes, leur exploration et exploitation, fossilisé dans une pensée d’un autre temps, va se voir lentement devancé par ses provinces du nord qui se lancent au rythme de la modernité au prétexte religieux de la pensée.
Mais l’Inquisition n’empêchera pas l’éclosion extraordinaire du Siècle d’Or espagnol, formidable explosion de tous les arts, mais rigoureusement soumise aux canons du Concile de Trente.
Grand spectacle cherchant à resserrer la cohésion sociale par l’affirmation de la foi, grandiose et longue cérémonie à la précise mise en scène, avec procession, musique, chants, prières, sermons, le clergé, la noblesse aux premières loges, les accusés, sommés d’abjurer, sur une grande estrade pour être vus de tous, le peuple était tenu d’assister à la cérémonie religieuse, contre indulgences papale aux spectateurs. Un autodafé fut donné, en leur absence, pour le mariage d’Élisabeth de Valois et de Philippe II, qui assistera en personne à trois autres, à la cérémonie religieuse s’entend, au cours de sa vie. Sans être pour autant inféodé au Vatican comme le veut la légende, puisqu’il sera excommunié une fois, tout comme Charles Quint qui fit prisonnier le pape avant de s’en faire couronner en 1530. Ce que refit Napoléon.
Texte littéraire et nouveau contexte historique
Les librettistes de Verdi s’inspirent donc de la pièce Don Carlos (1787) de Schiller qui s’inspire lui-même de celle de Thomas Otway, Don Carlos (1676) qui prend son bien dans la nouvelle historique Dom (1672) de Saint-Réal, inventeur de la rivalité amoureuse entre le père et le fils, qui s’inspire lui-même de la pièce El príncipe don Carlos o Los celos en el caballo (1622) de Diego Jiménez de Enciso, montée à la cour de Philippe IV : elle ne traite que de la folie de l’Infant opposé à Philippe II qui refuse prudemment le gouvernement des Flandres à un fils instable mental et dangereux. En 1564, Philippe II fait venir en Espagne ses neveux, les archiducs Rodolphe et Ernest, envisageant de leur commettre cette charge, déclenchant la fureur de son fils.
Le livret, suivant la pièce, symbolise et condense intelligemment le conflit hispano-flamand, encore larvé, avec la venue en Espagne des députés flamands. En réalité, ce sont seulement quelques villes puis quelques provinces du nord, protestantes, qui protestent contre une levée d’impôts destinée à payer les armées mercenaires espagnoles dont la paye a été interceptée par des pirates anglais. Amsterdam tardera dix ans à rejoindre la coalition. Mais le conflit n’éclatera vraiment qu’en 1568, après la mort de Don Carlos. C’est le début de « La Guerre de 80 ans », qui se joue, non seulement dans les Pays-Bas, mais déjà mondialement, dans les Antilles où les Hollandais rebelles s’emparent de certaines îles, sur les côtes du Brésil, du Pérou et même aux Philippines, possessions espagnoles. Au terme de la guerre en 1648 par le Traité de Westphalie, les Provinces Unies des Pays-Bas, obtiennent leur indépendance et s’érigent en République, s’étant taillé au passage un vaste empire colonial aux dépens de l’Espagne, signant leur entrée dans leur « Siècle d’Or ». Tout le sud catholique, la Belgique et le Luxembourg aujourd’hui, et les Flandres françaises, demeurent fidèles à la couronne espagnole.
Décolonisations, indépendances : actualité brûlante
Mais, ce que l’on ignore du contexte de l’opéra à trois siècles exactement de distance avec la rébellion hollandaise : l’Espagne est à la mode en France avec son impératrice espagnole Eugénie de Montijo, dont on sait la désastreuse implication dans l’expédition mexicaine de Maximilien d’Autriche, imposé comme Empereur du Mexique entre 1864 et 1867, où il fut fusillé par les patriotes. La situation politique coloniale espagnole semble revivre les rébellions flamandes des XVIe et XVIIe siècles. L’Espagne a perdu toutes ses colonies américaines continentales. Elle a abandonné Saint-Domingue en 1865 et, dans l’une de ses dernières colonies rêvant de larguer les amarres, Cuba, les crises de 1857 et 1866 font gronder la révolte et deux guerres d’indépendance vont se succéder, comme un anniversaire de la rébellion de partie des Flandres de 1568 (1868-1878, 1879-1880) avant la dernière, 1895-1898 : avec l’intervention décisive des États-Unis, l’Espagne perd alors ses dernières colonies, Porto-Rico, Cuba et les Philippines et ferme son ministère d’Outre-mer qui avait quatre siècles d’existence.
L’Italie, éveillée politiquement par son Risorgimento (1848-1870), entame en 1866 sa troisième guerre d’indépendance contre l’Autriche. Verdi en sera député deux fois (1861 et 1865). C’est ce contexte politique qui explique sans doute, et enrichit —à le connaître— l’arrière-fond de l’opéra.
Benito Pelegrin
[1] Le personnage historique de la Princesse Eboli, d’abord très proche du roi, puis le trahissant avec le machiavélique secrétaire Antonio Pérez accusé de concussion et fuyant en France, fut avec ce dernier, un agent actif de la fameuse légende noire contre Philippe qui l’exila et confina dans ses domaines.
[2] C’est l‘allusion —à sorcière, sorcière et demie— de la querelle qui oppose Carmen à Manuelita qui veut s’acheter un âne : « Un âne pour quoi faire ? un balai te suffira ! », raille Carmen, la traitant indirectement de sorcière, s’attirant la riposte : « Pour certaine promenade,/ Mon âne te servira… », /« Et, ce jour-là, tu pourras/À bon droit faire la fière ;/ Deux laquais suivront derrière,/T’émouchant à tour de bras… », châtiment public des sorcières et prostituées, corps enduit de poix et de plumes, promenées à dos d’âne par la ville.
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