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Germaine Tailleferre, compositrice ressuscitée par Nicolas Horwarth

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Germaine Tailleferre – Her piano works – Nicolas Horwath – Label Grand piano

Dire qu’il a à son actif déjà une vingtaine de disques, tous salués par la critique, sans compter ceux de son récent label, Nicolas Horvath Discoveries, créé avec l’aide de 1001 Notes & ACEL, qui sort un disque par mois de musiciens inconnus ou méconnus, depuis fin 2001, c’est peu dire de l’activité de Nicolas Horvath. Passionné par toutes les musiques, toute est chez lui en lui au pays de la musique sans frontières. On a connu ses maximalistes concerts pour œuvre minimale, comme l’intégrale des œuvres supposées minimalistes, telle celle de Philip Glass, douze heures de concert non-stop. Le compositeur américain est même venu jouer avec lui. Rappelons encore l’intégrale des 15 Klavierstücke de Karlheinz Stockhausen ou encore l’intégrale des œuvres pour piano d’Erik Satie attirant 14000 personnes à la Philharmonie de Paris. Aucune musique ne lui est étrangère, de celle des jeux-vidéos (où il était magistral) qui ont enchanté son enfance, à celle des séries, dans le pays sans frontières du monde de la musique : le sien.

Si l’éclectisme vertigineux de son large éventail musical ne montrait qu’il n’y a dans ses choix nulle étroitesse de « genre » sexuel, à preuve la riche palette de ses enregistrements, attentifs à rendre justice à des compositeurs inconnus ou mal connus, je dirais volontiers de Nicolas Horvath qu’il est le paladin, le chevalier servant de ces Dames compositrices, mal servies, ou desservies par l’histoire de la musique, dont il se fait chevaleresquement redresseur de torts. On ne l’accusera donc pas de caresser, je ne dis pas dans le sens du poil, mais de la belle chevelure la mode féministe, ou plutôt la juste révolte des femmes contre le patriarcat ayant enseveli dans l’ombre de l’oubli, ou laissé dans la pénombre de la mémoire, à peine éclairées par de brillants compagnonnages masculins, maris, amants, mécènes, des vocations et des talents féminins qu’on découvre ou redécouvre à peine aujourd’hui : ne revenons pas sur les Fanny Mendelssohn, brutalement contrariée par père, et même frère, qui l’utilise froidement en riant de sa vocation, confinée au rôle germanique des traditionnels KKK (Küchen, Kirchen, Kinder), Clara Schumann, subordonnée servante de l’œuvre de son époux, Alma Mahler, peintre, compositrice, poétesse, sacrifiée au sien. Objet décoratif, la femme, était cantonnée, au mieux, dans les Arts décoratifs.

        Ainsi, après deux disques à deux femmes, la pianiste et claveciniste Anne-Louise Brillon de Jouy (1744-1824), Hélène de Mongeroult (1764-1836), dont il a gravé (intégrale des sonates), voici le dernier, premier d’une série sur la compositrice Germaine Tailleferre.

Nous en écoutons un fandango endiablé, on y sent les pas agiles des danseurs, sur un thème lointain d’une fameuse zarzuela sans doute soufflée par son ami Ravel, grand connaisseur en la matière par sa mère (PLAGE 6).

  Quand on évoque Germaine Tailleferre (1892-1983), on lui accole inévitablement le titre de « la seule femme — ou au mieux, emphatiquement, la Dame— du Groupe des Six », une poignée d’amis musiciens constitué entre 1916 et 1923, ainsi baptisés par Cocteau : Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud, Francis Poulenc. En somme, on l’appelle de la sorte comme si seul ce privilège de femme parmi des musiciens célèbres, méritait qu’on s’en souvînt : admirable admission, on dira intronisation dans un cénacle masculin qui serait de purs génies mâles concédant cette entrée minoritaire, singulière, à une femme. Pourtant, sous les doigts virtuoses, vigoureux et passionnés de Nicolas Horvath qui lui rend justice, écoutez la fièvre, la folie tourbillonnante, haletante de cette Pastorale inca (PLAGE 45)

La musique de Germaine Tailleferre est lumineuse, aux rythmes affirmés, d’un grand raffinement sonore. C’est peut-être son élégance et sa légèreté, je dirai sa pudeur, que l’on prend à tort pour un manque de profondeur, qui ne serait que l’apanage des mâles. Nous ne souscrivons pas, pour notre part au paternalisme condescendant de son collègue Darius Milhaud qui ose les propos suivants qui assigne sa musique à tous les clichés patriarcaux les plus usés sur la femme, ou mieux, ou pire, la jeune fille, « délicieuse », « sans prétention », « sincère », fraîche, on dirait assimilée à la fleur, « qui sent bon ». Voici le bouquet, plein d’épines d‘une assurance et arrogance masculines supérieures, qui ne passerait plus aujourd’hui, qu’il lui offre :

  « Germaine Tailleferre est une délicieuse musicienne. Sa musique a l’immense mérite d’être sans prétention, cela à cause d’une sincérité des plus attachantes. C’est vraiment de la musique de jeune fille, au sens le plus exquis de ce mot, d’une fraîcheur telle qu’on peut dire que c’est de la musique qui sent bon. »

Sans doute pense-t-il, occultant ou méconnaissant beaucoup de la production de la compositrice, aux huit pièces constituant son délicat recueil Fleurs de France. Mais ce jugement est démenti par, entre autres, le saisissant, théâtral Rempart d’Athènes demandé très précisément par Claudel pour une musique de scène.

D’autres lui imputent un néo-classicisme, dont ils oublient un peu vite qu’il est à la mode du temps, puisque même Pulcinella, sur des thèmes pourtant du baroque Pergolèse, de Stravinsky en 1919, est qualifié alors de néo-classique. Son opéra La Petite Sirène, en 1957, est un passage expérimental dans la musique dodécaphonique.

Mais nous quitterons ce disque nécessaire de Nicolas Horvath ce pianiste si attachant, si attaché à relever les injustices et oublis de l’histoire de la musique en lui renvoyant cette Berceuse pour son petit garçon qui enchante ses jours, m’a-t-il confié et déchante ses nuits  (PLAGE 47)

Benito Pelegrín

Germaine Tailleferre – Her piano works – Nicolas Horwath – Label Grand piano

 RCF, émission N°620 de Benito Pelegrín, 27/07/2022

Rmt News Int • 20 octobre 2022


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