La Provence, terre d’accueil des femmes cinéastes de la Méditerranée
Des mémoires de la Méditerranée aux récits initiatiques et familiaux, cette 17ème édition des Rencontres Films Femmes Méditerranée (FFM) fait la part belle au matrimoine cinématographique du pourtour méditerranéen et de l’Europe avec une proposition italo-germano-espagnole inédite dans le cadre de Fenêtre sur l’Europe ; l’occasion de découvrir un film allemand, Girl Gang de Susanne Regina Meures, un film espagnol, Les Plombiers de Neus Ballus et un film italien, Il Paradiso del Pavone de Laura Bispuri qui questionnent tous trois notre façon de vivre ensemble.
Une présence élargie sur le territoire et un large panel de pays représentés
Ce festival atypique, ponctué de rencontres, leçons de cinéma et autres réjouissances, a lieu du 26 novembre au 1er décembre -avec plusieurs mises en bouches dès le 17 novembre- dans une dizaine de ville de la Région Sud paca : il s’étend de Digne à Hyères en passant par Marseille, Aix, La Ciotat ou encore Pertuis, Port de Bouc, Cucuron et Forqualquier ; soit quatorze salles de cinéma.
Avec 16 pays représentés, parmi lesquels Haïti, le Sénégal, le Tunisie, la Bosnie Herzégovine, la république Tchèque, la Grèce, le Liban, la Palestine, l’Arménie, l’Italie, la Suisse, l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, le Portugal et la France bien entendu, il promet d’être riche en découvertes.
Solidarité et partage au cœur des Rencontres FFM
« Dix-sept ans, c’est un bel âge » se réjouit la présidente Karin Osswald avant de spécifier « les frontières sont à dépasser et il est important de montrer les différentes réalités qu’elles recouvrent ». « Les frontières sociales sont également à dépasser » rajoute-t-elle. « A une époque où le cinéma est boudé par les jeunes, nous nous sommes engagés auprès des personnes en difficulté et qui souffrent ».
« Deux cents places sont offertes aux personnes éloignées du cinéma » détaille Michel Jancou, président de la Caisse Prado du Crédit Mutuel, un partenaire fidèle de la manifestation. Nous l’avons interrogé sur les raisons qui sont à l’origine de ce soutien à FFM.
« Un engagement remarquable » continue Karin Osswald qui a souhaité cette année « reconduire la gratuité des rencontres aux moins de 26 ans, étudiants, demandeurs d’emplois et bénéficiaires des minimas sociaux afin de permettre au plus grand nombre d’assister au festival »
Le soutien apporté au calabrais Mimmo Lucano, ancien maire de Riace, qui a reçu la médaille de la ville le 5 novembre dernier des mains du maire de Marseille, Benoît Payan, pour son accueil et aide des jeunes migrants africains sous sa mandature – ce qui lui a valu d’être condamné à 13 ans de prison – est significatif des valeurs défendues par FFM ; des valeurs humanistes, de partage et solidarité.
La Méditerranée, les femmes et la culture
« La Méditerranée est notre terre commune » assure Jean Marc Coppola, adjoint à la culture de la ville de Marseille. A l’heure où le gouvernement envisage de réduire les festivals estivaux lors de JO2024, il se réjouit qu’à Marseille, il y a beaucoup de festivals : « il n’y en jamais trop et sans ses festivals, Marseille ne serait pas Marseille » s’exclame-t-il avant de dire son plaisir d’assister un festival qui « met en évidence les femmes dans la culture, et plus particulièrement dans le cinéma ». « Cette édition est dédiée aux femmes iraniennes qui se battent pour la liberté de leur peuple » indique la présidente de FFM.
« J’ai hâte de ces rencontres humaines et riches » continue l’élu, félicitant le travail des créatrices de FFM envers les publics éloignés de la culture. « Marseille n’est pas qu’une terre de tournage, elle est une terre de création et de diffusion cinématographique » précise-t-il alors que l’arrêt des tournages de Plus Belle la Vie dont les studios sont à visiter gratuitement du 9 au 26 novembre les mercredi, vendredi et samedi (inscription sur https://my.weezevent.com/visite-des-studios-de-plus-belle-la-vie) a mis un coup de frein à l’emploi de nombreux intermittents du spectacle en Région.
Avant de conclure qu’il attend de tous les arts « qu’ils trouvent des réponses sur le monde de demain », réaffirmant le rôle essentiel de la culture dans la construction du monde à venir, de celui qu’on va léguer aux générations futures.
FFM, ce sont aussi des ateliers de médiation et d’éducation à l’image
Portés par Camilla Trombi, ces ateliers -en mixité ou non- visent à sensibiliser les publics éloignés de la culture -enfants, femmes, jeunes des cités- au cinéma avec un travail de terrain mené tout le long de l’année auprès d’eux que ce soit dans des centres sociaux, dans les écoles etc. « Le cinéma est un moyen fantastique pour sensibiliser aux violences faites aux femmes et à l’égalité femmes/hommes » souligne Camilla avant de poursuivre.
« En décembre, un projet orignal permettra à des femmes de se mettre dans la peau d’une organisatrice d’un événement cinématographique avec un atelier de programmation et tout le travail de recherche en amont que cela suppose », que ce soit en terme de choix du film à projeter, d’organisation de la séance ou encore de prise de contact avec les ayants droits et de communication.
Pour couronner les actions culturelles mises en places, les lycéens de Marseilleveyre, Marie Curie, Victor Hugo et Perrier sont invités à devenir jury d’une sélection de courts-métrages.
Ouverture et temps forts
Les Rencontres s’ouvrent le 26 novembre avec le film d’Erige Sehiri Sous les Figues qui donne à voir la rébellion de jeunes femmes contre les structures patriarcales, patronales, et coloniales de la Tunisie, dans un huis-clos à l’ombre des figuiers, lors de la cueillette estivale. La réalisatrice prolongera l’expérience avec une leçon de cinéma, le lundi 29 novembre.
Une invitation au Festival Olhares do Mediterrâneo met en lumière les films de deux grandes cinéastes qui ont à cœur de travailler les maux et la complexité de leur territoire : Yvone Kane de Margarida Cardoso et Contre ton cœur de Teresa Villaverde. L’un affronte le passé colonial du Portugal au Mozambique, l’autre filme une famille en souffrance dans le Portugal contemporain aux prises avec la crise économique.
Zoom sur Françoise Romand et ses dérapages contrôlés
Autrice de documentaires burlesques, intimes et politiques, « passionnée des histoires de famille et des secrets, arrière-petite fille d’un acteur ayant joué dans les films des frères Lumière, et marseillaise », Françoise Romand partagera trois de ses longs métrages le 29 novembre avec en bonus une ciné-romand le 3 décembre où « chez l’habitant, les spectateurs seront invités à prendre la place de la cinéaste et à voyager dans l’intimité d’un lieu, guidés par des anges dans leur balade ». Tout un programme !
Au final, ce sont 40 films projetés, 14 invité(e)s et 6 événements, des séances jeune public ainsi que deux préludes, le 17 novembre au Mucem avec Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune d’Anna Salzberg et le 25 novembre aux Variétés à l’occasion de la journée dédiée aux violences faites aux femmes avec la projection de A girl walks home alone at night, réalisé par Anna Lily Amirpour avec une intervention de Meriem Rahbi, programmatrice de cinéma et experte en cinéma de genre et du genre au cinéma, une rencontre faite en partenariat avec Solidarité Femmes 13 et le CIDFF 13.
Afin de prolonger le plaisir, toute l’équipe du festival invite le public à échanger avec elle et les invité(e)s tous les jours du festival entre 14h et 18h à la Fabulerie, leur QG. A vos agendas. Diane Vandermolina
Le programme complet: C’est par ici !
Toutes les infos sur https://www.films-femmes-med.org/
Encadré
FFM : Un fil rouge, le Voyage initiatique
La programmation fait ainsi la part belle aux adolescences aux prises avec des quotidiens initiatiques, banals ou magiques. Avec son film Le jour où j’ai découvert que Jane Fonda était brune, Anna Salzberg nous emmène dans une quête intime pour comprendre ce qui a mené sa mère à faire le choix d’avoir un enfant seule. Le film glisse alors vers le politique lorsqu’il rencontre la pensée féministe des années 70 en France et retrace une histoire des luttes pour la libération des femmes.
El Agua accompagne les mouvements intimes d’une jeunesse rurale qui croit à la magie des inondations. Entre animation et images d’archives, Aurora’s Sunrise raconte le destin hors du commun d’une jeune survivante du génocide arménien émigrée au États-Unis. Elle devient une étoile montante de Hollywood grâce à son récit des massacres dont elle a été témoin, porté à l’écran dans les années 20. Ces récits initiatiques font état des enjeux contemporains pour les jeunes femmes du pourtour méditerranéen et au-delà.
Alice + Barbara fait état de l’absence d’espaces dédiés à la jeunesse et l’invisibilité des jeunes femmes dans les territoires ruraux à travers deux sœurs filmées dans la fixité de leur chambre, laissant en suspens la question : partir ou rester ? On transite vers des fresques familiales, avec Atlantic Bar, qui donne à voir une famille élargie, choisie, autour d’un espace en danger de faillite : le bar qui tient tout le monde ensemble. Freda, reste, envers et contre tout à Haïti pour soutenir sa famille alors que le pays s’effondre et que l’ailleurs lui tend les mains. Mediterranean Fever raconte la fuite d’un homme qui cultive davantage ses liens avec sa dépression qu’avec ses proches, dans la léthargie de l’hiver à Haifa.
Enfin, l’initiation ne prend jamais fin avec le film de clôture,le 1er décembre, Balada, qui accompagne un personnage récemment divorcée et séparée de sa fille, à l’incipit d’un nouveau récit de soi, encore en désordre, mais rempli d’alliées. A suivre!
En une, LE JOUR OÙ J’AI APPRIS QUE JANE FONDA ÉTAIT BRUNE d’Anna Salzberg projeté le 17 novembre à l’auditorium du Mucem à 20h
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