Clap de fin pour CineHorizontes
Un grand gagnant
Le festival CineHorizontes s’est achevé sur la consécration du film Libélulas de Luc Knowles : ce dernier a reçu les Prix Belle Jeunesse Lycéens Notre Dame de Sion et Prix Belle Jeunesse Étudiants Science-Po Aix ainsi que le Prix de la Meilleure Actrice : Milena Smit et Olivia Baglivi (ex aequo). Une belle récolte pour un film qui traite d’un sujet de société sur la jeunesse des banlieues abandonnées et désolées au travers du récit de la vie de deux jeunes femmes en quête d’un avenir meilleur. Un film qui ne pouvait que rencontrer son public et le suffrage des membres du jury.
Un palmarès paritaire
Le Jury Fictions était présidé par Nancy Berthier et composé par Xavier Nataf, Javier Marco, Pablo García Conde et Pascal Gandoulphe. Aux côtés des Jurys de Science-Po Aix, de Notre Dame de Sion et du Lycée Thiers, se trouvait le Jury Documentaires, composé par Francisca Lucero, Nach Solís et Sylvain Vuong. Pour les films en compétition, les jurés ont décerné les prix suivants : Prix du Meilleur Court-métrage : Au Pair, de David Pérez Sañudo ; Mention Spéciale du Jury Documentaires : The Yellow Ceiling (El Sostre Groc), d’Isabel Coixet ; Prix du Meilleur Documentaire : Del Otro Lado, d’Iván Guarnizo ; Prix du Meilleur Acteur : Oriol Pla, pour ‘Girasoles silvestres’ ; Prix du Meilleur Scénario : Bárbara Díez et Jaime Rosales, pour ‘Girasoles silvestres’ ; Mention Spéciale du Jury : Alcarràs, de Carla Simón et l’Horizon d’Or du Meilleur Film : La Maternal, de Pilar Palomero.
Promesses tenues par le cinéma catalan
Certains des films en compétition n’ont pas reçu de prix mais leur projection a été un véritable succès public, citons Mi vacío y yo, film catalan d’Adrián Silvestre d’après l’histoire de -et avec- Raphaëlle Perez sur le sujet délicat de la transsexualité. Un film coup de poing applaudi avec ferveur par les spectateurs du Vidéodrome 2 venus en nombre le découvrir, le jour même de la journée dédiée à lutte contre les transphobies.
Et pourtant Mi vacío y yo a été lauréat de plusieurs prix : après sa première dans la section officielle de Rotterdam, il a remporté le Biznaga d’argent, le prix spécial du jury au 25e Festival de Malaga, le prix Maguey / meilleur film au 37e Festival de Guadalajara et une mention spéciale au DA.
L’apprentissage de l’estime de soi
À 21 ans, Raphaëlle rêve de tomber amoureuse, de se marier et de fonder une grande famille. Cependant, elle a toujours ressenti un grand vide qui l’accompagne en permanence. Raphaëlle demande de l’aide à l’unité de genre de l’hôpital Clínic de Barcelone, où on lui diagnostique une dysphorie de genre (une discordance entre l’identité de genre ressentie et le sexe physique ou attribué à la naissance). Voilà pour le pitch !
Le film est le fruit d’un travail de longue haleine : cinq années ont été nécessaires pour sa réalisation. Cette dernière, à mi-chemin entre récit fictionnel et réalisme documentaire, est réussie : mêlant acteurs non professionnels et acteurs professionnels, elle dépasse les clichés et stéréotypes de genres, focalisant notre regard sur le parcours d’un être humain, avec ses questionnements, ses doutes, ses espoirs ; l’exploration de sa sexualité et l’apprentissage de l’acceptation de sa différence pour qu’elle ne soit plus un obstacle à sa réalisation.
Par ailleurs, Raphaëlle présente le jour de la projection suggère qu’elle aimerait bien faire un autre film, comme, par exemple, jouer une sérial killeuse, une manière détournée de dire qu’elle aimerait qu’on la repère pour ses qualités artistiques, non pas parce qu’elle est trans. Une réalité qu’elle dénonce à juste titre et qui dépasse les frontières des genres, vue qu’elle touche encore toutes les minorités racisées.
David contre Goliath
Il en va de même pour Robin Bank d’Anna Giralt Gris, auréolé du prix du public du festival DocsBarcelona 2022. Cette docu-fiction mêlant animations, archives et interviews a hélas séduit un public clairsemé aux Variétés. Que l’on se rassure, il sera visible sur Arte d’ici mars 2023, ne doutons pas qu’il y trouve son public.
Cette œuvre scénarisée à la façon d’une enquête -allons-nous rencontrer le fameux Enric Duran ou Robin Bank, Don Quichotte des temps modernes dont le génie n’a d’égal que sa folie ?- mérite néanmoins le coup d’œil à double titre : tant pour le portrait dressé de l’activiste qui dénonce la perversité du système bancaire par ses actions (il a réussi à voler un demi-million aux banques espagnoles via une arnaque savamment orchestrée du système de prêts bancaires réussissant à le retourner contre lui) que pour le questionnement qu’elle induit chez le spectateur, à savoir notre rapport au capitalisme et quelles en sont les alternatives possibles à imaginer ensemble. De plus, le travail animé offre des temps de respirations poétiques et ponctue le propos en lui conférant universalité et intemporalité.
On suit alors le parcours de la réalisatrice qui, tout d’abord, est fascinée par le personnage, le montrant tel le héros de la désobéissance civile lors des manifestations dont il planifie les actions, avant de commencer à prendre de la distance avec lui, le filmant dans son combat comme un homme seul, alternant plan large et plan serré sur son bateau.
Interview d’Anna Giralt Gris
In fine, elle ne le suivra pas jusqu’au bout de sa prochaine action. « Ne pas devenir complice » nous dit-elle, après mûre introspection. Elle préfère « nourrir les imaginaires et l’imagination collective » glisse-t-elle humblement en précisant qu’hélas un film ne changera pas le système mais s’il pousse à la réflexion, c’est déjà ça de gagner.
Ainsi, le festival CineHorizontes a eu un succès public bien mérité, notamment pour la qualité des projections, citons l’hommage rendu à Carlos Maura, également de par son choix pertinent (et engagé) des propositions cinématographiques offertes aux cinéphiles. DVDM
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