Manifeste du Muséum Aux origines du genre
Le Muséum national d’Histoire naturelle et Reliefs Éditions ont publié un manifeste intitulé « aux origines du genre » à l’initiative du biologiste et paléontologue Bruno David, le président du MNHN, directeur de recherche au CNRS. Écrit à plusieurs mains, il est le produit d’une réflexion sur les relations entre les notions de genre et de sexe. Il interroge les relations entre le sexe biologique et le genre social du point de vue des sciences naturelles.
De la diversité des genres et des sexes dans le vivant
En s’appuyant sur la diversité des genres, des sexes et des sexualités dans les organismes vivants pour réfléchir sur ces mêmes questions chez les êtres humains, le manifeste démontre que nous ne pouvons pas réduire le genre des personnes à leur sexe biologique. En prenant exemple sur le vivant, il montre que les genres ne sont pas forcément binaires et peuvent varier considérablement d’une espèce à l’autre, mettant en évidence que les normes de genre imposées par la société sont des constructions sociales et culturelles qui peuvent varier d’une culture à l’autre et au cours du temps.
Il existe en effet chez les poissons, les reptiles, les plantes, les escargots, les grenouilles ou encore certaines bactéries, des cas d’individus qui peuvent changer de sexe au cours de leur vie, ou qui ont des caractéristiques de deux sexes différents. Par exemple, certaines espèces d’insectes ont des systèmes de reproduction qui ne sont pas associés à un sexe spécifique. De plus, certaines espèces dite hermaphrodites peuvent changer de sexe à l’image de certains mérous ou des huitres. D’autres encore chez les espèces animales, à l’image des Bonobos, ont des pratiques sexuelles qui ne visent aucunement la reproduction.
Prendre en considération la complexité de l’humain
Les exemples présentés couvrent les différentes situations existant dans le vivant et montrent que ces questions ne sont pas figées ni universelles dans la mesure où dans la nature, il existe des formes de vie qui ne sont pas associées aux catégories « femme » et « homme ». Certes, on ne peut réduire les questions de genre, de sexe et de sexualité chez les êtres humains à la simple observation de la diversité dans les organismes vivants. Les êtres humains sont soumis à des dynamiques sociales et culturelles plus complexes qui influencent les perceptions et choix de genre de chacun. Mais, l’analyse présentée et le parallèle développé permettent de comprendre comment les catégories sont construites socialement et culturellement et comment elles sont utilisées pour distinguer les personnes.
De plus, les manières dont les individus s’identifient et s’expriment en fonction de leur genre, de leur sexe et de leur sexualité permet de mettre en évidence que les catégories « femme » et « homme » ne sont pas nécessairement pertinentes. On peut alors s’interroger sur les limites de ces catégories à une époque où chez les personnes, s’expriment des sensibilités variées qui bousculent le cadre des catégories sexuelles et de genre, les identités sexuelles et de genre pouvant être changeantes chez un même individu au cours de sa vie.
Des limites de la catégorisation essentialiste
Pourtant, les catégories « femme » et « homme » sont nécessaires pour la science et la constitution d’un savoir. Elles permettent de distinguer les différentes formes de vie et de comprendre leurs caractéristiques et leurs comportements même si elles peuvent être limitantes. Le manifeste interroge ici la pertinence de ces catégories et invite à reconsidérer leurs limites, souvent en lien avec l’idée selon laquelle la majorité est constitutive d’une norme dite universelle.
Pourtant, ces catégories ou concepts dits universels recoupent de multiples réalités. Le concept de chien permet de désigner l’espèce animale ‘chien’ mais regroupe plusieurs types de ‘chiens’. Il s’agit d’inclure ici quelque chose dans une catégorie plus générale à des fins de connaissance. Pour paraphraser Pascal, « le pouvoir se maintient parce qu’on en a oublié l’origine qui était la force« . Ici, dans le cas qui nous occupe, il apparait que la catégorisation chez les humains entre « femme » et « hommes » a cette finalité de maintenir et reproduire un système patriarcal imposé afin de le rendre immuable.
Pour autant, il n’est pas question de déconstruire ces catégories mais de nous faire réfléchir sur la raison d’être de ces catégories transformées en essences : sont-elles là comme outils de connaissance ou de domination ? La question reste ouverte. Et c’est bien là tout l’intérêt de ce manifeste. Diane Vandermolina
Bon à savoir :
Initiée par le président du Muséum, Bruno David, la collection des « Manifestes du Muséum » convoque l’histoire naturelle pour éclairer des enjeux contemporains. Parce que l’histoire naturelle permet de franchir les limites du temps et de l’espace, de retracer et de comprendre l’histoire de la Terre et de la vie, d’inventorier la biodiversité, d’analyser la complexité des écosystèmes, de comprendre l’évolution du monde vivant et de cerner la place de l’Homme sur la planète, il est essentiel qu’elle soit au cœur des débats de société.
Toutes les infos : https://reliefseditions.com/shop-les-manifestes-du-museum/
Manifeste du Muséum Aux origines du genre Bilingue français-anglais 84 pages/ 7,50 €