Bonheurs de Jimmy Jackson : Le Grand Cahier à la Joliette
Adapté du roman d’Agota Kristof, Le Grand Cahier décrit avec une violence sans concession, toutes les monstruosités de la guerre. Léa Menahem adapte ce classique littéraire pour la scène restituant avec force la langue naïve et implacable de l’œuvre originelle. Il est présenté au théâtre de la Joliette jusqu’au 18 mars.
“-Vous connaissez donc les Dix Commandements. Les respectez-vous ?
-Non, monsieur, nous ne les respectons pas. Personne ne les respecte. Il est écrit : “tu ne tueras point” et tout le monde tue.”
-Le Grand Cahier, Agota Kristof
Le pitch
La guerre fait rage lorsqu’une mère acculée par le manque de nourriture se voit contrainte d’abandonner ses jumeaux à leur grand-mère : une femme alcoolique, cruelle et bestiale. Mais le conflit n’épargne pas non plus le petit village. Auparavant choyés, les deux frères doivent désormais s’endurcir et apprendre à survivre seuls dans leur nouvel environnement. Ils s’appliquent alors à dresser, chaque jour, dans un grand cahier, le bilan de leurs progrès et la liste de leurs forfaits.
Sous les yeux du public les quatre interprètes se métamorphosent grâce à un étonnant jeu de masques et animent la galerie de personnages disgracieux et antipathiques qui forment le récit. Avec cette mise en scène rythmée et burlesque, Léa Menahem propose un théâtre ludique dans sa forme la plus simple.
Notre avis
Ce Roman d’Agota Kristof m’avait laissé le souvenir d’une lecture en sidération, face aux tragédies qu’il évoque, peuplées de personnages souvent monstrueux, traversées par deux jumeaux, des enfants aux allures de mutants, inquiétants ou angéliques. Ces garçons, pour survivre, vont s’imposer une discipline á côté de laquelle, celle des Spartiates paraît bien douçâtre.
Je suis ébloui par le parti pris de Léa Menahem, qui nous fait pénétrer dans cet enfer par la porte du Conte Fantastique. Les atrocités y sont beaucoup plus suggérées que montrées. Les masques contribuent à donner un aspect presque grand-guignolesque, lorgnant du côté du théâtre de marionnette, tout comme le jeu des acteurs, très stylisé, sans oublier le recours aux jeux des ombres en transparence.
Ici, l’horreur s’installe sournoisement, et, pourtant, la tendresse perdure : elle n’est pas toujours là où on l’attend… Cette création magnifique se double du plaisir de revoir plein de gens aimés, comme Haïm Menahem, en l’occurrence père de la metteure en scène, ancien directeur du théâtre, ancien élève du Collège Frais Vallon -Gérard Philippe.
A découvrir. JM
Distribution
Adaptation du roman d’Agota Kristof/ Mise en scène Léa Menahem/ Dramaturgie & montage Pierre Koestel
Avec Cécile Bournay, Gaspard Liberelle, Jimmy Marais & Mikaël Treguer
Scénographie & accessoires Delphine Sabouraud/Création lumière Pierre Langlois/Régie lumière Lou Morel/Création sonore Claire Mahieux/Régie son Pierre Xucla/Costumes Adélie Antonin
Masques Patricia Gattepaille/ Construction décor Les Ateliers Décors / Christophe Simonnet
Infos pratiques : https://www.theatrejoliette.fr/programmation/22-23
Crédit photos Julie Cherki
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