Splendeur et Charme de l’Italie: Bordighera, la Ville des Palmes
Dans la partie la plus occidentale de la Ligurie, là où les montagnes descendent vers la mer et où les collines sont parfumées par l’odeur du mimosa et du genêt en fleur, du romarin et du laurier, du thym et des arbousiers, là où le bleu du ciel au coucher du soleil devient rouge, lorsque la vigne pousse sur le rocher et que l’olivier donne des reflets argentés aux collines, là où la résine des pins s’entrelace avec les dattes des palmiers, il y a un ancien village de pêcheurs. Il a grandi mais a conservé son âme.
L’été, le soleil, et si nous allions à Bordighera, cette délicieuse ville italienne, posée avec grâce entre la tumultueuse Vintimille et la trop touristique San Remo ? Bordighera garde le charme de l’élégance d’autrefois avec ses palais anglais, son Hôtel de Ville conçu par l’architecte Charles Garnier, son jardin nommé Monet, ses palmes… Nichée sur la Riviera dei Fiori, entre San Remo et la Côte d’Azur, Bordighera est un écrin qui renferme le meilleur d’un territoire à la nature variée, riche en traditions et en histoire. Une combinaison suggestive de saveurs, de lumières et de couleurs. Si à Vintimille, on est trop près de la frontière française, si à San Remo, on entend parler plus français, japonais ou anglais qu’italien, à Bordighera, c’est toute l’Italie qui nous accueille.
Bordighera, élégante et vraie
Ici, une mercerie, située 1 piazza Mazzini, tenue par deux sœurs depuis plus de soixante ans ; il faut y entrer, on y est accueilli avec le sourire et la délicatesse des personnes d’un autre temps. Les nappes sont entourées de papier de soie, les bavoirs sont brodés, des boutons de toutes les couleurs, comme ceux que nos mamans conservaient dans une boite ; on prend le temps pour servir ; on y respire une odeur surannée et parfumée. Là une ‘gelateria’, avec les fabuleuses granite et glaces à faire damner tous les saints, le péché de gourmandise est aboli. Le soir, quand les vagues viennent caresser les plages, la promenade le long du ‘lungo mare’ est une régénérescence à elle seule… une brise légère au goût salé, des bancs face à la mer où le temps est suspendu, puis… des bars, des restaurants, de la musique, des bancs de forains. J’y ai même acheté 5 euros un livre merveilleux. Il avait parcouru 2000 kilomètres et par un quelconque enchantement, il a permis à mon tendre Sicilien de mari de ‘boucler la boucle’. Mais ceci est une autre histoire que je raconterai une autre fois.
L’attachement de Bordighera à la Reine Margherita … et un hôtel pour remonter le temps…
Ici encore, au 31 via Regina Margherita, dans un beau cours bordé de palmiers, un hôtel charmant attire le regard, l’Hôtel Regina Margherita. Je m’y arrête car il porte le nom de la première reine d’Italie de la maison de Savoie, Marguerite Thérèse Jeanne de Savoie-Gênes, princesse de Savoie, par son mariage avec le roi Humbert 1er. Diego, le sympathique directeur de l’Etablissement, m’y accueille et m’invite à la visite. Ici, le temps s’est arrêté ; poteries, tableaux, fleurs, fauteuils, nous plongent dans le raffinement de la grande époque mais l’odeur d’un bon capuccino et de délicieux biscuits aux amandes me ramènent à aujourd’hui. L’Histoire est pourtant proche dans cette toute récente république parlementaire italienne proclamée en 1946, après l’abolition, par référendum, de la monarchie. La Regina Margherita s’installe à Bordighera en 1879 pour se ‘refaire une santé’. Elle arpente la ville, fait construire une magnifique villa de style néobaroque en 1915, y reçoit de nombreux artistes et en fait sa résidence officielle d’hiver. Elle y mourra le 4 janvier 1926. Au passage du cortège, qui quittait la chapelle royale de la Villa Regina Margherita et passait par la rue qui porte encore son nom, les habitants de Bordighera jetèrent des centaines de fleurs depuis les toits et les terrasses.
Dans les pièces de la belle Villa Margherita, il suffit de plisser les yeux, on y respire encore l’air du temps.
Monet et Bordighera alta
Comme de nombreux artistes, Monet est tombé amoureux de Bordighera. Mais, lui, l’a immortalisée dans ses toiles, offrant au monde quelques-uns de ses plus beaux chefs-d’œuvre.
C’est le 18 janvier 1884 que Claude Monet arrive à Bordighera. « Tout est admirable, et chaque jour la campagne est plus belle, et je suis envoûté par le village », écrit-il ce jour-là à son marchand parisien Durand-Ruel, depuis la chambre qu’il a louée à la Pension Anglaise, dans le vieux centre de Bordighera. « Tout ici est beauté et le temps est superbe« , ajoute-t-il. Il est frappé par les couleurs, la mer, le ciel, les palmiers qui s’élancent et que Monet n’avait jamais vus dans le Paris gris et la Bretagne mélancolique. Et puis les jardins, comme celui du marchand d’huile et consul de France à Bordighera, Francesco Moreno. « Un tel jardin ne ressemble à rien, écrit Monet dans une lettre à Paris, il est tout simplement fantasmagorique, toutes les plantes de l’univers semblent y pousser spontanément. Un parc immense, où citrons, mandarines, oranges, olives et autres plantes indigènes côtoient Pinus canariensis , Ginkgo biloba, Araucaria excelsa, agaves, aloès et yuccas. Une infinité d’espèces exotiques que la famille Moreno a collectionnées en les important du monde entier.’’
Sant’ Ampelio et la légende
La légende selon laquelle Bordighera possède la palmeraie spontanée la plus septentrionale de toute l’Eurasie se perd dans la nuit des temps. La légende, transmise de génération en génération par les habitants de Bordighera, veut que ce soit le saint patron Ampelio, un anachorète qui, du désert de la Thébaïde (en Égypte), ait débarqué sur le promontoire le plus méridional de l’Italie du Nord au Ve siècle après J.-C. et ait apporté en cadeau des graines de palmier-dattier. Aujourd’hui encore, sur ces mêmes rochers où Ampélius vécut jusqu’à sa mort, se dresse une église qui, telle une sentinelle, domine la mer.
Bordighera Alta, Centre historique et cœur de la cité.
Bordighera Alta est le centre historique et le cœur de Bordighera
À Bordighera Alta, la tradition du parmurelu (palme tressée) se perpétue. Le 11 mai 2011, la « Cumpagnia d’a parmura » a été fondée dans le but de transmettre les secrets du tressage, mais aussi de valoriser ce qui reste de la palmeraie historique, de transmettre les secrets du tressage et de reconstituer, dans la mesure du possible, une nouvelle palmeraie en faisant naître et grandir de nouveaux dactyles qui seront ensuite plantés dans les jardins publics et privés de la ville.
La Bordighera aux 50 000 oliviers et aux 20 000 palmiers n’est plus mais l’empreinte de l’époque où les Britanniques étaient entichés de la ville, son élégance majestueuse et son raffinement, sa distinction, sa simplicité et sa joie de vivre, ses bons petits plats et la sympathie de ses habitants, ainsi que sa grande et importante activité culturelle, sont toujours vivants dans la ville. On ne ‘visite’ pas Bordighera. On l’aime et elle ne nous quitte plus.
Danielle Dufour-Verna
Crédits photos ©DR
En une, CLAUDE MONET – VILLA A BORDIGHERA
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