Et ce sera mon aventure, un poème d’Isabelle Verna Puget dédié aux enfants victimes de harcèlement

Harcèlement scolaire 

De nombreuses personnalités et collectifs tel que « le club de bikers des Desperados » ou encore l’association « Prévenir le harcèlement scolaire » se mobilisent au quotidien pour briser le silence, sensibiliser et protéger les enfants victimes de ce fléau qui se propage en ligne et hors des murs de l’école. En ce jour de rentrée, voici un poème dédié aux enfants victimes de harcèlement.

 

Tremblant d’effroi à ton réveil 

Le coeur battant d’avoir lutté 

Sans relâche dans ton sommeil 

Contre des monstres et des sorciers …

 

Tu accueilles avec joie le matin

Les oiseaux qui chantent l’amour  

Laissant Morphée et tes chagrins

S’évanouir au gré du jour 

 

Le déjeuner prêt sur la table 

L’odeur des croissants dans le four

Quand tu enfiles ton cartable 

Ce quotidien rempli d’amour

 

T’accompagne jusqu’à l’école 

Où tu es pressé de trouver 

Tous tes copains et tu envoles 

En soufflant à ta mère des baisers …

 

Moi,  les fantômes et les sorcières 

Ne m’ont jamais fait  peur la nuit 

C’est quand j’entrouve les paupières 

Que le bonheur s’évanouit 

 

Au désespoir de m’éveiller 

J’essaie de retenir le temps 

Mais sans jamais y arriver 

Alors je me lève lentement 

 

Et comme un condamné à mort 

Tous les matins, assis à table 

Je me résigne à mon sort 

Et puis j’enfile mon cartable 

 

Je suis un enfant harcelé 

Ce mot, je l’ai appris plus tard.

Ah, la cloche vient de sonner

C’est le début du cauchemar

 

Les rires et les messes basses, 

Les croches pattes et les insultes 

Et les railleries jusqu’en classe 

L’instit qui parfois ose un « chut »

 

Je ne sais pas ce que j’ai fait 

Ou bien ce qui cloche chez moi

Je les imite pour essayer 

D’être comme eux mais ils veulent pas 

 

Je veux pas être différent 

Est-ce je peux jouer moi aussi?  

Ils feront un peu semblant 

Puis me cracheront leur mépris 

 

« Les gars ça a encore marché !

Regardez il y a vraiment cru !

Allez il va encore pleurer ! 

Le con, il s’est pissé dessus! »

 

Je sens mon petit corps faillir

J’aimerais ne plus exister 

Ce quotidien va me poursuivre 

Pendant de trop longues années 

 

En rentrant maman m’aura fait 

Ce bon gâteau que je préfère 

Elle ne dit rien mais elle sait 

Que son petit vit un enfer 

 

Chacun de nous protège l’autre 

Regards fuyant sur nos douleurs 

Qu’on fait taire dans les bras de l’autre 

Seul bouclier de nos malheurs 

 

Elle me dit que je suis beau 

Que je suis extraordinaire 

Mais je n’entends plus ses mots 

Je voudrais quitter cette terre 

 

Je voulais être aventurier 

Je veux plus aller nulle part 

Je veux juste me reposer 

Et arrêter ce cauchemar 

 

Lundi mardi et tous les jours 

Pendant des semaines et des mois

Et ces années qui un beau jour 

Auront peut être raison de moi 

 

Je suis un enfant harcelé 

Qui a bien grandi aujourd’hui 

Et mes bourreaux ont bien changé 

Ce sont des hommes eux aussi 

 

Dans la cour de récréation 

Je sais qu’il y a la relève 

La cloche sonne et sur le banc 

Je sais qu’il y a cet élève 

 

Qui me ressemble et qui a peur 

Qui prie qui appelle au secours 

Dépité face à la torpeur 

De tous ces adultes autour 

 

Je voulais être aventurier 

Je ne suis allé nulle part 

Car ma route s’est arrêtée 

Quand j’ai sauté des remparts 

 

Je voulais conjurer le sort 

Je voulais reprendre les rennes 

De ma vie en prenant la mort 

Comme issue face à tant de haine 

 

Et c’est l’amour qui m’a sauvé

Seul bouclier dans le malheur 

Il fait des miracles il parait 

Il peut même réparer les cœurs 

 

Car aujourd’hui je peux le dire

Je n’ai plus envie de mourir 

Dans les yeux mouillés de ma mère

Je vois disparaître l’enfer 

 

Je ne remarcherai jamais

Mais sans faillir dans le futur  

Je bousculerai vos pensées 

Et ce sera mon aventure 

 

Isabelle Verna Puget