Les amours de Gabrielle, solo clownesque et acrobatique, de la compagnie Epopteia
« Je suis normale, je suis tombée amoureuse »
Gabrielle, clown décalé, naïf et timide, bouillante de vie et de joie, est tombée amoureuse par hasard après avoir cherché conseils auprès de ses amis, sa famille, son curé, sa psychologue. Chacun lui donnera un mode d’emploi différent qu’elle suivra scrupuleusement avec un enthousiasme à toute épreuve, hélas en vain. Mais de qui, ou de quoi, est-elle tombée amoureuse ? demanderez-vous. D’un homme ? D’un garçon ? D’une femme ? D’une fille ? Ce solo clownesque nous raconte avec humour les déboires de Gabrielle avant et après sa découverte de l’amour.
Gabrielle et le monde extérieur
Passionnée par la nature, et plus précisément par les spores se dégageant des champignons, et par les chiroptères parmi lesquels les chauves-souris dont elle imite à merveille les cris nocturnes pourtant inaudibles par l’homme, Gabrielle réalise des pestos à base de fanes de légumes et d’autres ingrédients qu’on n’imaginerait pas garnir la composition. En couple avec un homme qu’elle n’aime pas, et qui se lasse de ses extravagances, elle s’en va à la recherche de l’amour. Une quête complexe pour ce personnage maladroit, qui a bien du mal à comprendre les codes et normes qui régissent la société, vivant hors du monde.
Gabrielle et l’amour
Gabrielle tombera enfin amoureuse … d’une fille, ce qui pour cet être étranger aux normes sociales est tout à fait normal. La normalité, n’est-ce pas de tomber amoureux ? Ce serait oublier que la société discrimine les personnes LGBTQI+. Elle les juge et les condamne, les harcèle et les persécute. La mise en scène fait ici judicieusement appel à des voix off reprenant les discours homophobes allant du simple « je ne suis pas homophobe, j’ai une amie homosexuelle… » à la violente condamnation en passant par la dissuasion « tu vas être victime de discrimination, on va t’exclure… ». Des voix off inquiétantes qui perturbent la quiétude et la joie de Gabrielle.
Liberté d’aimer versus intolérance
Ce serait sans compter sur sa détermination et le bonheur qu’elle ressent d’être amoureuse. Se rebellant contre ces voix, elle imagine un tribunal qui condamnerait tout homophobe à une bien étrange peine, celle de s’oindre d’amour en sentant, touchant, caressant des roses pour finir par se baigner dans un bain de chamallow à la guimauve. Un passage drôle empreint d’une naïve bienveillance à l’égard de toutes et tous. Une ode à la tolérance et à l’amour ! Tel est le message de ce spectacle qui, entre rires et émotions, nous transporte dans l’univers farfelu d’un clown sensible et attachant qui choisit de suivre sa voie en dépit du regard des autres.
Clown et arts du cirque
Ce spectacle mêle jeu clownesque et arts du cirque, acrobatie, jonglerie et manipulation d’objet. Edith Godefroid fait preuve d’une maîtrise acrobatique indéniable : son duo avec l’échelle est impressionnant de justesse tant elle arrive à faire vivre l’objet en jouant avec, adoptant des positions aussi improbables que comiques. Même si l’installation du personnage reste un temps soit peu trop étiré dans le temps, Edith nous régale de ses mots et jeux de mots fort bien trouvés, de ses histoires étonnantes qu’elle mime fort bien : sa gestualité est précise et nette et sa manipulation d’objet (des bouquets de fleurs symbolisant la défense, une femme, et son accusateur, un homme) bien réalisée. Seuls manquent quelques petites ruptures afin de laisser respirer le spectateur happé dans ce flot de paroles et de mouvements. Car elle tend à perdre le masque de son clown quand elle se laisse emporter par les mouvements tourbillonnants de son personnage virevoltant -qui mériterait parfois de se poser.
In fine
Le spectacle est rondement bien mené, qu’il s’agisse de l’occupation du plateau ou de l’utilisation des objets. Sur un plateau quasi-nu, composé d’un seau, de 4 bouquets de fleurs et d’une grande échelle, accompagné d’une création lumière minimaliste, tout repose sur le jeu de l’artiste et son énergie vibrionnante. Cette création originale mérite le coup d’œil tant pour son personnage que sa thématique et l’espoir d’un monde meilleur qu’il véhicule, son appel à un mieux vivre ensemble dans le respect et l’acceptation des un.e.s et des autres. Une très jolie découverte qui saura avec le temps prendre son plein essor. Diane Vandermolina
Informations pratiques
Les amours de Gabrielle par la Cie Epopteia
De et avec : Edith Godefroid
Mise en scène : Edith Godefroid
Genre : clown et arts du cirque
Durée : 50 min/ tout public
Présenté au théâtre des Chartreux du 29 septembre au 1er octobre 2023
En tournée : 8 octobre à la Ferme de La Blaquière, Verrières (12) et 22 mars 2024 au Théâtre Marie-Jeanne, Marseille (13) – sortie de résidence.
Crédit photo : Eric Brunel/Théâtre des Chartreux
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