Les plus beaux Ave Maria : Nathalie Manfrino en concert exclusif à Notre Dame de la Garde
Après ses débuts à l’Opéra de Marseille en 2001, où elle a immédiatement conquis le public et la critique en incarnant le personnage de Mélisande dans la production de Pelléas et Mélisande, dirigée par Charles Roubaud, Nathalie Manfrino a continué à nous éblouir au fil des ans. En 2012, elle a enchanté le public avec son interprétation de Mimi dans La Bohème de Puccini revisitée par Jean Louis Pichon, et cette même année, elle a surpris tous les spectateurs en jouant le rôle de Clelia dans La Chartreuse de Parme, production mise en scène par Renée Auphan.
Aujourd’hui, nous avons la chance de la voir à nouveau dans notre ville pour un récital exceptionnel le 14 octobre à 18h, où elle chantera, accompagnée à l’orgue par Danièle Sainte-Croix, bien connue des amateurs de musique classique marseillais, au sein de la Basilique de Notre Dame de la Garde, « les plus beaux Ave Maria » composés par les plus grands maestros d’Opéra. Elle en interprétera les versions de Schubert, Massenet, Caccini, Verdi, Mascagni, Gounod.
Très discrète sur les réseaux sociaux, elle a entamé un tour de France des sanctuaires mariaux pour proposer ce récital d’une heure en entrée libre afin que tous puissent venir découvrir la beauté de ces chants sacrés. « C’est un projet qui me tient infiniment à cœur. Chanter ces Ave Maria a pris un sens immense depuis que je suis devenue maman. Nous avons décidé de faire ce concert dédié à Marie, dans le cadre de la venue du Pape François, pour prolonger sa prière mariale à Notre-Dame de la Garde » précise-t-elle avec la simplicité qui la caractérise.
Un projet né d’une rencontre humaine
DVDM : D’où vous est venue l’idée de chanter à Notre Dame de la Garde, à Marseille, la ville de vos débuts ?
Nathalie Manfrino : « Ce projet est parti d’une aventure humaine, de Marseillais que j’ai rencontrés suite à mon concert en Bretagne. Charmés par ma prestation, ils m’ont dit qu’il fallait que je vienne chanter à Marseille. Il y avait aussi cette histoire de la venue du Pape en septembre. Comme ils connaissaient le recteur de la Basilic de Notre Dame et que j’avais déjà chanté dans des hauts lieux religieux, aussi dans de toutes petites églises, avec ce projet, ça s’est monté assez rapidement ». De plus, « il n’y a pas grand-chose à Notre Dame de la Garde, pourtant, c’est un lieu incroyable, il faudrait le faire exister culturellement et musicalement. Avec ce concert, c’est ce qu’ils ont voulu faire ».
Hommage aux compositeurs d’Opéra et à Marie, Ode à l’Amour universel
DVDM : quelle est la particularité de ces Ave Maria ?
N.M : « Ce sont des Ave Maria opératiques. Ce sont les plus beaux Ave Maria, écrits par des compositeurs qui subliment ces prières, j’avais envie de ce projet car il faut rendre grâce malgré ce qu’on a vécu : on a tous des choses à porter, il me semble important de rendre grâce quand on arrive à s’en sortir. Par exemple, je suis tombée tardivement enceinte et je ne l’imaginais pas, je rends grâce à Marie d’avoir ce petit bonhomme. Et comme disait Saint Augustin, chanter c’est deux fois prier et le chant sacré peut élever encore plus l’âme que nous soyons croyant ou non. Dans ce concert, on trouvera le seul Ave Maria composé par Verdi extrait de son opéra Othello. Il y a aussi Mascagni : il a peu écrit mais dans Cavalliera Rusticana, il y a un intermezzo qu’on entend souvent dans les films de mafieux, dans lequel il a composé un Ave Maria. Puis, Massenet qui a écrit un Ave Maria sur la Médiation de Thaïs pour violon solo, un texte très connu mais personne ne le chantait. Je l’ai trouvé dans un vieux recueil de partition. Puis Caccini, c’est un tube absolu ». Avec ce récital, « je souhaite faire plaisir et offrir quelque chose de sacré et lyrique, comme un hommage à ces compositeurs qui ont rendu hommage à Marie. Ça rend le concert moins classique, puisque certains Ave Maria sont en italiens. C’est plus festif même si bien entendu ça va faire appel à des souvenirs touchants mais Marie est là pour nous protéger comme elle veillait sur les marins à Marseille. Pour moi, le propos de ces concerts est ouvert et universel, chacun reçoit ce qu’il veut recevoir, en toute humilité et bienveillance. J’espère très humblement, par ma voix, faire résonner dans les cœurs, cette espérance que l’on souhaite à tous, croyants ou non, une lumière bénéfique par le prisme de la musique, langage aussi universel que l’Amour. En espérant que ces airs très connus dédiés à la Vierge Marie, devenus populaires dans le bon sens du terme, continueront longtemps d’habiter nos cœurs. »
Offrir la musique sacrée en partage
DVDM : Le concert est gratuit. C’est important pour vous cette gratuité de l’accès à l’Art ?
N.M : « Oui, comme c’est en entrée libre, chacun peut contribuer comme il le souhaite. En pratiquant la libre participation, on espère que les gens qui n’osent pas se rendre à des concerts classiques ou qui n’en ont pas les moyens viennent, que ça les amène librement à la musique et à l’art. Quand j’ai chanté en Bretagne, on a eu une cinquantaine d’enfants, tous très respectueux et concentrés : c’était magique car certains n’avaient que 3 ans. J’espère que des grands parents viendront avec leurs petits enfants à Marseille. »
Chanter à Notre-Dame : L’émotion de ses débuts
DVDM : Qu’est-ce que cela vous fait de revenir à Marseille après toutes ses années ?
N.M : « Je suis très honorée de pouvoir chanter pour la première fois dans ce haut lieu sacré. J’ai toujours eu une affection très particulière pour cette ville, il y a une énergie extrêmement particulière dans cette ville, et la vision de « La Bonne Mère » a imprégnée le début de ma carrière. Pour moi, le choix de Notre Dame de la Garde est très fort. Car lors de ma première venue, je jouais dans Pelléas et Mélisande. J’avais 20 ans et c’était ma première expérience professionnelle : je ne m’attendais pas à cette difficulté du métier, je sortais à peine de l’école et du conservatoire, j’étais un peu comme un petit poussin sorti du nid. Comme c’était difficile, je me suis tournée vers Notre Dame de la Garde et la Vierge, vers ce haut lieu qui surplombe la mer et toute la ville et c’est quelque chose qui m’a imprégnée. »
La jeune maman continue néanmoins sa carrière de Soprano même si de son aveu elle a levé le pied et pris du recul par rapport à son métier pour être plus proche de son petit bonhomme. Elle souhaite continuer avec des projets qui ont « de l’âme, qui soient pertinents avec la seconde vie que j’ai. J’ai besoin d’aventures humaines, faire de belles choses, des projets caritatifs, qui ont du sens. »
En espérant que les Marseillais viendront en nombre à ce concert unique. Diane Vandermolina
Encadré
Lucide mais toujours aussi passionnée par son art, Nathalie Manfrino nous a livré quelques-unes de ses réflexions sur le métier de Soprano, ses sacrifices et ses freins, et l’importance du vécu dans l’interprétation d’un rôle. Elle se confie également sur la nocivité des réseaux sociaux dont elle ne partage pas l’éthique.
De la difficulté d’être maman dans le milieu de l’Opéra
Rares sont les sopranos maman qui continuent leur carrière, certaines s’arrêtent pour s’occuper pleinement leur enfant, d’autres sont moins désirables aux yeux des directeurs d’Opéra et sont laissées de côté au profit d’artistes lyriques plus jeunes comme dans le Cinéma, rappelle Nathalie. « Être maman, c’est encore tabou et ça met la plupart du temps un frein à notre carrière. La première chose que je demande à une jeune chanteuse lyrique, c’est : est-ce que vous voulez avoir une vie de famille, des enfants parce qu’être chanteuse lyrique, ce sont des sacrifices énormes que l’on fait et pour nous, les femmes, l’horloge biologique tourne. On n’en parle pas forcément dans les écoles de musique. Si par exemple, tu t’arrêtes à un moment donné, on t’oublie très vite. Il y a, comme pour les actrices d’ailleurs, ce phénomène de jeunisme de vouloir tout ce qui est jeune et beau, car on va pouvoir plus facilement faire du buzz sur quelqu’un de nouveau. »
Du savoir-faire du chanteur artisan
« Le savoir-faire est primordial dans notre métier car on est des artisans : plus on vieillit, plus on maîtrise ce savoir et les coups de la vie, les drames, la maladie, les décès, les divorces etc… vont faire qu’on va devenir un artiste plus accompli qu’à 20 ans. Aujourd’hui, je n’interprète pas les rôles de la même manière qu’il y a 20 ans. Cela s’appelle la maturité. J’ai entamé une seconde vie après avoir vécu un drame dans ma vie personnelle. Il y a un avant et un après et quand on est sur scène, à 20 ans, on n’a pas vécu tout ça, on fait semblant, on peut très bien chanter et avoir une belle voix mais quand le public sent qu’il y a des tripes, de l’émotion, ça change. »
De la tyrannie des réseaux sociaux
Le métier d’artiste lyrique, entre compétition et concurrence des uns envers les autres, est de nos jours très difficile, notamment à l’heure où les réseaux sociaux ont envahi tout l’espace médiatique : la très grande majorité des chanteurs lyriques sont sur les réseaux sociaux et peuvent regarder les comptes des uns et des autres, compatibiliser les like ou encore se prendre en photo en toute circonstance, ce qui développe une curiosité malsaine et excite les jalousies. « Aujourd’hui, être chanteur lyrique est d’autant plus compliqué qu’avec les médias sociaux, il y a l’image, il faut du contenu, être beau, faire rêver… Je ne sais comment ils font pour travailler leur rôle en faisant tout ça mais aujourd’hui, si on n’est pas sur ces réseaux, on est artistiquement mort. Tout le monde est sur les réseaux sociaux même les directeurs d’Opéra. Pire, j’étais à un concours de chant francophone, avec 40 autres jurés, le niveau des jeunes chanteurs était très haut et j’ai discuté avec eux de la problématique des réseaux sociaux, car, pendant le concours, il y avait un Facebook live où on pouvait lire des commentaires très durs, violents… C’est terrible. »
Propos recueillis par DVDM
Bio Express de Nathalie Manfrino, soprano
Après avoir brillamment achevé sa formation à l’École Normale de Musique de Paris, Nathalie Manfrino a remporté le Concours international de chant de Toulouse en 2000, puis le Concours international Operalia. Ces succès l’ont propulsée vers les sommets de la scène lyrique, où elle a fait montre de son talent vocal et de ses qualités théâtrales dès 2001 à l’Opéra de Marseille. C’est en 2006 que le monde de la musique classique a véritablement découvert Nathalie Manfrino. Elle a été couronnée Révélation de l’année dans la catégorie Artistes Lyriques aux Victoires de la Musique Classique, un honneur bien mérité vu son talent exceptionnel en tant que chanteuse et interprète.
Son engagement exclusif avec Universal Music et ses enregistrements sous l’illustre label Decca ont marqué le début de sa carrière discographique. De son premier album solo, « French Héroïnes, » à « Méditations, » une exploration profonde de l’œuvre de Massenet, et jusqu’au tout dernier opus « Destin de femmes, » Nathalie Manfrino continue d’ajouter des chapitres captivants à son parcours musical. Sa discographie s’est vue honorée du prestigieux Orphée d’Or et du prix Sir Georg Solti, soulignant la qualité exceptionnelle de ses enregistrements. En 2011, elle a été distinguée en tant que Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, une reconnaissance bien méritée de sa contribution à l’art lyrique.
Elle a illuminé les scènes du monde entier de Berlin à Barcelone, en passant par Rome et Paris (Garnier, Comique, Châtelet, Théâtre des Champs-Elysées), parmi de nombreuses autres destinations prestigieuses et les festivals internationaux, tels que Caracalla (Rome) et Mozarteum (Brésil) ou encore les Chorégies d’Orange (France), en interprétant un éventail de rôles captivants. Elle a été la Marguerite dans « Faust, » la Roxane dans « Cyrano, » la Micaëla dans « Carmen, » Sarah dans « Le Revenant, » Eurydice dans « Orphée et Eurydice, » Juliette dans « Roméo et Juliette, » Fiordiligi dans « Cosi fan tutte, » Rozenn dans « Le Roi d’Ys » de Lalo, le rôle-titre dans « Manon » de Massenet, Mimi dans « La Bohème, » et le rôle-titre dans « Thaïs, » pour n’en nommer que quelques-uns.
Travaillant en étroite collaboration avec des maestros renommés tels que Michel Plasson, Sir Colin Davis et Placido Domingo, Nathalie Manfrino continue d’apporter son éclat aux scènes du monde entier. Récemment, elle a séduit le public en incarnant Leila dans « Les Pêcheurs de Perles » à Séoul et en interprétant Juliette dans « Roméo et Juliette » de Gounod, toujours à Séoul avec le Korea National Opéra. Sa très attendue Micaëla dans « Carmen » à l’Opéra-Comique, à Shangaï et à Pékin, initialement prévue pour l’automne 2020, avait été reportée à 2023. La rédaction
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