Avignon off 2024, on a vu : DEUX FRERES au Théâtre de la Factory
Interprétation, et mise en scène : Renaud de Merviel
Comédien : Julien Goetz, Renaud de Merviel
Mise en scène : Déborah Krey
Durée : 1h10
Nous entrons au sein d’une famille bourgeoise, en apparence sans histoire : le père travaillant dans le domaine médical, la mère en tant que femme au foyer. Ce couple élève deux enfants : Renaud et André. Leur très faible différence d’âge laisse présager une belle complicité… Cependant, la jeunesse des deux frères sera marquée par un sentiment d’insécurité causé par des violences physiques quotidiennes, infligées par le père au sein même du domicile familial. Comment est-elle perçue par chacun des enfants ? D’autant que cette violence répétitive cible uniquement un seul des deux frères.
Comment se construire au sein d’un foyer où de telles différences sont observées ? Quels sont les sentiments que chacun traverse ? Quelle est la place la plus confortable ? Et quelle la place de chacun des frères au regard du monde ? Les comportements et les perceptions respectives de ces deux enfants seront inéluctablement altérés ; la construction des relations avec autrui sera forcément empreinte de cet environnement. La relation fraternelle peut-elle réellement se construire ? Est-ce que cela les poursuivra tout au long de leur vie ? Comment vont-ils se construire et quels subterfuges vont-ils utiliser pour avancer ? Autant de questions – et bien d’autres ! – qui viennent nous heurter tout au long de cette représentation.
Les deux comédiens s’approprient entièrement, et avec un immense brio, la scène comme terrain de jeu. Alternant leurs propres rôles, mais aussi, la mère, effacée par de nombreuses années de soummission à l’influence d’un mari et « père », à la fois charismatique et monstrueux, les comédiens d’un talent rare, arrivent à transporter le public et ce, malgré le peu d’accessoires présent : piano, tapis, veste, caisse en bois. Tout est sublimé par des morceaux musicaux choisis avec finesse et interprétés avec une juste et subtile émotion ! Autant d’éléments essentiels et suffisants qui nous permettent d’être immergés et plongés dans l’univers de ces deux frères.
Même si le sujet abordé est difficile, les comédiens parviennent à susciter en nous un large éventail d’émotions avec une grande pudeur : tristesse, colère,… mais aussi espoir et envie ! Avec finesse, ils explorent les complexités du développement des relations fraternelles au sein d’un schéma familial marqué par la maltraitance. Leur parcours vers l’âge adulte, malgré le manque de repères, et leur quête personnelle pour devenir des pères bienveillants, sans avoir eu d’exemple au départ, sont au cœur de cette histoire.
Cette pièce aborde des faits hélas par trop fréquents : en France, un enfant est tué par l’un de ses parents tous les cinq jours. Elle explore ici l’impact dévastateur sur l’ensemble des familles des différentes formes de maltraitance infantile ! Néanmoins, elle se révèle être une source d’inspiration, ouvrant nos consciences et suscitant en nous une profonde réflexion quant à nos décisions et nos actions passées, présentes et futures.
L’engagement des deux comédiens est total, sincère et d’une justesse criante ; nous ne pouvons qu’être captivés de bout en bout. Une œuvre qui ne vous laissera pas insensibles et ce, pour un long moment. Benoit Bertrand Corso
Photos : Mathilde Kraemer
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