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Concert d’ouverture de la 44ème édition du Festival International de Piano de la Roque d’Anthéron

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La merveilleuse Maria João Pires dialogue avec Gordan Nicolić, le Serbe bondissant.

Cette soirée d’ouverture, s’annonçait magique et elle le fut. L’Orchestre de chambre de Paris, Gordan Nicolić, violon et direction, Maria João Pires, pianiste, étaient réunis pour le 44ème Festival international de piano de La Roque d’Anthéron.

G Nicolić Orchestre de chambre de Paris © Valentine Chauvin 2024

Gordan Nicolić joue et dirige le Concerto pour violon et orchestre n°4 en ré majeur K. 218 de Mozart, composé à 19 ans. Très enjoué, théâtral et précis, le soliste imprime un rythme soutenu dans l’Allegro initial, dans cette tradition de chef/soliste qui remonte à l’époque baroque. Trois mouvements (Allegro, Andantino, Rondo-Presto) montrent la grande maturité du jeune Mozart. Nicolić, de son violon baroque, installe une complicité permanente. Après un Allegro tonique, le deuxième mouvement est une longue phrase plaintive descendante, suivie de motifs plus mobiles en doubles croches. Le Rondo, ternaire et dansant, continue ce parfait dialogue entre le soliste et l’orchestre. Le violon baroque semble parfois manquer de brillant, malgré la technique magistrale de l’interprète, face aux 32 instrumentistes (14 violons, 7 altos, 4 violoncelles, 3 contrebasses, 2 cors naturels, 2 hautbois). Un choix esthétique qui peut se justifier. La composition date de 1775; Bach n’est mort que depuis 25 ans, Vivaldi depuis 34 ans…

L’entrée de Maria João Pires, est très attendue. Le public retient son souffle. On connaît ses déclarations: J’ai joué dès l’âge de 4 ans en public mais je n’ai vraiment jamais dépassé la peur, comment lutter contre celle-ci en jouant? Et l’âge avançant, c’est encore plus terrible! Devant l’œuvre, on a un grand sens de la responsabilité, la peur s’introduit comme un ennemi silencieux, on craint que les doigts ne suivent plus. Cette incertitude nous apprend beaucoup de choses. La pianiste a annoncé plusieurs fois la fin de sa carrière.

M J Pires G Nicolić Orchestre de chambre de Paris © Valentine Chauvin 2024

Maria João Pires joue, ce soir,  Le Concerto pour piano et orchestre n°9 en mi bémol majeur K. 271 “Jeunehomme” de Mozart.  La dédicataire serait la jeune virtuose française Mademoiselle Louise Victoire Jeunamy, de passage à Salzbourg en 1777.

Pires l’a joué mille fois! Elle l’a enregistré il y a plus de 50 ans avec l’Orchestre de la Fondation Gulbenkian de Lisbonne (dir. Theodor Guschlbauer) et le répertoire mozartien lui est familier depuis tant d’années. Que peut-il lui arriver? Dès les premières notes, on reconnaît ce toucher clair, élégant de la merveilleuse pianiste portugaise, elle a de nouveau 30 ans, les motifs sont ciselés, des gammes aux arpèges, des ornements nombreux aux accords posés. On retrouve la structure en trois mouvements du concerto classique (Allegro, Andantino, Rondo-Presto). Nicolić s’est positionné à côté du premier violon et sa fougue déteint sur tout l’orchestre, où l’on retrouve le même effectif; il bondit toujours de sa chaise et on a l’impression qu’il y a10 violons de plus! L’Andantino, d’une grande mélancolie, est en tonalité mineure, ce qui n’est pas courant. Madame Pires est touchante, fragile et puissante devant l’immense Steinway! Puis cette cadence dans le grave dans un thème de marche décalée entraînant une montée chromatique avec d’espiègles contretemps. Le Rondo final est un Presto endiablé. La pianiste triomphe, technique solide, sensibilité rare, elle triomphe d’un chef-d’œuvre tellement joué, comme si elle le découvrait sans cesse… Public debout. Magique.

M J Pires G Nicolić Orchestre de chambre de Paris © Valentine Chauvin 2024

La deuxième partie est consacrée à Beethoven et sa Symphonie n°8 en fa majeur opus 93. L’orchestre s’étoffe: 2 cors modernes, 2 clarinettes, 2 flûtes traversières, 2 bassons, 4 timbales. 1812, époque romantique, une densité différente, des élans, des luttes plus âpres. Quatre mouvements, mais sans mouvement lent! L’orchestre se libère, énergie des accents, des tensions harmoniques de l’Allegro vivace e con brio. L’Allegretto scherzando semble une scène de bal qu’aurait pu écrire Giuseppe Verdi dans La Traviata! Un bal à Vienne plein de lyrisme italien, étonnant! Les croches régulières des bois sont une pulsation d’horloge sur laquelle les cordes posent un thème sautillant. Le Tempo di minuetto remplace le Scherzo habituel. L’Allegro vivace est une tornade joyeuse et vibrante. L’Orchestre de chambre de Paris est au sommet, dans ce prodigieux crescendo final qui résonne sous le merveilleux chapiteau de La Roque d’Anthéron. Une très belle soirée , dans ce lieu majestueux du Parc du Château de Florans. Le Festival est lancé.

Yves Bergé

Photo de une : M J Pires G Nicolić Orchestre de chambre de Paris © Valentine Chauvin 2024

Samedi 20 juillet 2024

Festival international de piano de La Roque d’Anthéron

Maria João Pires piano

Orchestre de chambre de Paris

Gordan Nicolić: violon et direction

Rmt News Int • 22 juillet 2024


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