Chronique de la renaissance attendue d’un Opéra après 22 ans d’absence
L’Opéra « La force du destin » de Giuseppe Verdi créé en 1862 a été présenté les 18 et 20 octobre derniers au Zénith de Toulon sous la direction musicale de Victorien Vanoosten. J’ai eu le grand plaisir d’assister à la représentation du 20/10. L’oeuvre m’a captivée ainsi que le public avec sa puissance émotionnelle et sa richesse musicale. Les chœurs puissants et majestueux de l’Opéra de Toulon et de l’Opéra de Montpellier ont renforcé l’intensité dramatique de l’œuvre. La dernière représentation à Toulon date du 28/04/2002.
Cet opéra en 4 actes d’une durée de 3h25 aborde des thèmes profonds tels que le destin, la vengeance et la rédemption. Les personnages sont entraînés dans un tourbillon de conflits et de malheurs illustrant comment le destin peut s’acharner sur les individus, malgré leurs intentions.
Une tragédie espagnole
L’intrigue se déroule en Espagne et suit les tragédies d’un jeune homme Don Alvaro un noble d’origine péruvienne dont l’amour pour Léonora fille d’un noble espagnol est contrarié par des circonstances tragiques et des conflits familiaux. Léonora désespérée, se retire dans un couvent, tandis que Don Alvaro est poursuivi par le frère, de Léonora, Don Carlo, qui cherche à venger la mort de leur père. Cinq ans plus tard Don Carlo retrouve Don Alvaro devenu prêtre. S’en suit un duel entre les deux hommes qui amène Alvaro à chercher de l’aide pour sauver Don Carlo, Il reconnait Léonora qui survient alertée par le bruit. Avançant vers l’homme gisant au sol, Léonora se retrouve face à son frère Don Carlo qui n’a pas oublié la trahison de sa sœur et qui la poignarde. Elle expire son dernier souffle dans les bras de son amoureux désespéré qui maudit le destin qui s’acharne contre eux devant le père Guardiano horrifié de ce blasphème…
La mise en scène signée Yannis Kokkos à la fois spectaculaire par les décors, les costumes, l’interprétation a magnifiquement servi l’intensité dramatique de l’œuvre. Dans le cadre de « La Force du destin », il a souvent été salué pour sa capacité à créer des ambiances visuelles puissantes qui renforcent les thèmes dramatiques de l’œuvre. Ses mises en scène se distinguent par leur profondeur psychologique et leur esthétique soignée.
Une distribution remarquable
Le marquis de Calatrava (Jacques-Greg Belobo) est central à l’intrigue. Il est le père de Léonora, qui est au cœur d’un triangle amoureux complexe impliquant Don Alvaro et Don Carlo. Le marquis représente l’autorité et les conventions sociales qui influencent le destin tragique des personnages. J’ai trouvé que cette figure de la noblesse représentait les valeurs et les préjugés de la société, exacerbant les conflits. Sa rigidité et son sens de l’honneur ajoutent à la tragédie des personnages principaux. J’ai grandi dans ces valeurs et ces préjugés qui ne sont pas forcément liés à la noblesse, ce qui m’a permis de mieux comprendre le personnage.
Leonora (Yunnet Laguna) est la protagoniste, amoureuse de Don Alvaro. Elle incarne l’amour et la passion, mais aussi la tragédie. Son déchirement entre l’amour pour Don Alvaro et son devoir familial la rend profondément émouvante. Son parcours a suscité chez moi la compassion et la tristesse.
Don Alvaro (Samuele Simoncini) est un noble d’origine péruvienne, amoureux de Leonora, dont l’engagement entraîne des tragédies. Héros tourmenté, il est pris dans un destin tragique. Sa quête d’amour et de rédemption est poignante, mais ses actions déclenchent une série de catastrophes. J’ai ressenti son désespoir et son sentiment d’impuissance.
Don Carlo (Stéphano Méo), frère de Leonora, cherche à venger l’honneur de sa famille. Il est à la fois jaloux et honoré. Sa lutte pour l’honneur et son ressentiment envers Alvaro le rendent complexe. J’ai pu percevoir sa colère, mais aussi sa vulnérabilité face à son destin.
Frère Melitone (Léon Kim), un moine, apporte une dimension comique et morale à l’histoire. Ce personnage apporte une touche de comédie, mais il est aussi un miroir des contradictions humaines. Mon sentiment est que ses réflexions sur la vie et la morale ajoutaient une profondeur à l’œuvre.
Père Guardiano (Vazgen Gazaryan) est le moine qui guide Leonora dans sa quête de rédemption. Le Père Guardiano incarne la sagesse spirituelle dans l’histoire. Vazgen Gazaryan apporte une profondeur émotionnelle au personnage, soulignant son rôle de mentor pour Leonora. Sa présence rassurante et son ton posé créent une atmosphère de rédemption, même au milieu du drame. J’ai trouvé son interprétation à la fois puissante et délicate, reflétant la lutte intérieure de Leonora.
Préziosilla (Eléonore Pancrazi) est une gitane et une figure de la fatalité, qui annonce le destin tragique des personnages. Préziosilla est fascinante en tant que figure de la fatalité. Eléonore Pancrazi réussit à transmettre une dualité complexe : sa légèreté et sa vivacité contrastent avec la gravité de son message. Elle joue un rôle essentiel dans l’anticipation du destin tragique des personnages, ajoutant une tension dramatique. Son charisme et son interprétation vibrante ont captivé la salle.
Maitre Trabuco (Yoann Le Lan), paysan, incarne la voix du peuple et aide à mettre en avant les conflits sociaux. Maître Trabuco incarne les luttes sociales qui traversent l’œuvre. Yoann Le Lan réussit à donner vie à ce personnage avec une intensité et une authenticité qui résonnent avec le public. Son interprétation met en lumière les injustices et les conflits de classe, renforçant la dimension sociale de l’histoire. Il apporte une voix puissante qui contraste avec les enjeux personnels des autres personnages.
Curra (Séraphine Cotrez) est la servante de Don Alvaro, apportant un élément de soutien et de compassion dans l’histoire. Séraphine Cotrez dépeint ce personnage avec une douceur et une compassion palpables, offrant un contrepoint aux tourments des protagonistes. Son engagement et son empathie créent une dynamique chaleureuse, soulignant l’importance des relations humaines dans un contexte de souffrance.
La mère de Leonora symbolise les conflits familiaux et l’honneur. Bien que son rôle soit moins central, elle est essentielle pour établir le poids des traditions et des attentes familiales. Sa présence dans l’histoire rappelle les sacrifices et les luttes des générations précédentes. Son interprétation ajoute une couche de complexité aux motivations de Leonora. Ce poids des traditions m’a permis de faire le lien avec ma propre éducation.
Un chœur de paysans représentant le peuple ajoute une dimension collective à l’intrigue. Il enrichit la narration en représentant le collectif. Leur chant et leur présence scénique soulignent les luttes sociales et les émotions partagées par le peuple. Ils ajoutent une dimension de solidarité et de résonance à l’intrigue, créant un contraste avec les histoires individuelles des personnages principaux. Leur rôle a été crucial pour ancrer l’histoire dans une réalité sociale plus large.
Une prouesse vocale et musicale
Dans l’ensemble, chaque personnage contribue de manière unique à la richesse de l’intrigue et à l’exploration des thèmes universels de la rédemption, du destin et des luttes sociales. Les performances sont variées, mais toutes s’entrelacent pour créer une expérience théâtrale poignante et mémorable.
Les voix des artistes, tant solistes que choristes, ont résonné avec une force impressionnante, transportant l’audience à travers les déchirements et la fatalité des personnages. Les performances vocales, avec leur expressivité et leur technique, ont permis aux chanteurs de transmettre des émotions de manière directe et poignante. Ainsi, l’opéra devient une expérience immersive où la musique et le drame se rejoignent pour toucher l’âme du public. Ces personnages interagissent dans un cadre dramatique et tragique, reflétant les thèmes du destin, de l’honneur et de la vengeance.
Pour cette représentation, le ténor Samuele SIMONCINI a accepté de remplacer à la dernière minute, Konstantine KIPIANI dans le rôle de Don Alvaro, nous l’en remercions. Il nous a offert un aspect particulièrement remarquable de son interprétation et de sa capacité à transmettre l’intensité émotionnelle des personnages. Par exemple, dans le rôle d’Alvaro, il réussit à exprimer le conflit intérieur et le désespoir qui jalonnent l’histoire. Son interprétation vocale, mêlant puissance et nuance, permet de rendre compte des luttes internes des personnages, notamment lors des moments de tension dramatique. De plus, sa présence scénique et sa capacité à interagir avec les autres chanteurs enrichissent l’expérience globale, rendant les duos et les ensembles encore plus captivants. Ces éléments font de son interprétation un moment mémorable de la production.
Une direction musicale inspirée et un triomphe lyrique
Les choix orchestraux de la direction musicale assurée par Victorien Vanoosten ont également mis en lumière la profondeur des thèmes abordés. Sa direction a permis de mettre en valeur la richesse orchestrale de l’œuvre de Verdi, tout en assurant une excellente coordination avec les chanteurs. Son approche dynamique a sans doute contribué à créer une atmosphère puissante et émotive, rendant le moment encore plus captivant.
La fin de l’opéra, avec la mort d’Éléonora, est effectivement un moment très poignant. On peut dire que la direction de Victorien Vanoosten a intensifié l’émotion de cette scène. Son interprétation a permis de souligner la tragédie de ce moment, amplifiant les tensions dramatiques tout en mettant en avant la beauté mélodique de la musique.
L’orchestration a contribué à créer une atmosphère lourde et chargée d’émotion, renforçant la douleur et la désespérance des personnages. La manière dont il a conduit les musiciens a pu ajouter une profondeur saisissante à l’expression des sentiments d’Éléonora.
En somme, cette représentation de « La force du destin » a été un véritable moment de magie et d’émotion, témoignant une fois de plus du génie de Verdi. La lutte entre libre arbitre et le destin est au cœur de cette œuvre, faisant de « La force du destin » un chef-d’œuvre du répertoire lyrique.
Bravo à toute l’équipe pour cette performance mémorable. Leïla Metina-Bouchour
La Forza del Destino ©Fred Stéphan
La Force du Destin de Giuseppe Verdi (chanté en italien et surtitré en français).
Direction Musicale : Victorien Vanoosten
Mise en scène, décors, costumes : Yannis Kokkos
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon
Chœur de l’Opéra national de Montpellier Occitanie
Ténor : Samuele SIMONCINI dans le rôle de Don Alvaro (en lieu et place de Konstantine KIPIANI).
Ténor : Yonna Le Lan dans le rôle de Maître Trabuco
Soprano : Yunnet Laguna dans le rôle de Léonora
Baryton : Stéphano Méo dans le rôle de Don Carlo
Baryton : Léon Kim dans le rôle de frère Melitone
Basse : Vazgen Gazaryan dans le rôle du père Guardiano
Basse : Jacques-Greg Belobo dans le rôle du marquis de calatrava
Mezzo-soprano : Eléonore Pancrazi dans le rôle de Préziosilla
Mezzo-soprano : Séraphine Cotrez dans le rôle de Curra.
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