DIEGO SALAMANCA | J.S. Bach, au luth
Suite en sol mineur BWV 995
Partita en do mineur BWV 997
Prélude, Fugue et Allegro BWV 998
Un CD Label : Seulétoile
Diego Salmanca est de ces musiciens voués à la musique baroque dont l’Amérique latine semble se faire une spécialité comme si ces lointaines colonies hispaniques, avec l’or préservé de la langue espagnole dont parlait le grand poète chilien Pablo Neruda, en échange de l’or matériel volé autrefois par les conquistadors, avaient su garder et cultiver le trésor de ce style contemporain, dans lequel ils excellent, l’affinant dans nos écoles et Conservatoires.
Né en 1977 à Bogotá, Diego Salamanca commence donc sa formation musicale en Colombie avant de poursuivre ses études de luth au Conservatoire National Supérieur de Lyon. Parallèlement à un travail sur le répertoire du luth aux XVIIe et XVIIIe siècles, il mène une carrière de continuiste, à l’archiluth et au théorbe proches cousins du luth, les cordes pincées qui, avec le clavecin font jeu avec celles frottées de la viole de gambe —du violoncelle aujourd’hui— pour le continuo, accompagnemenr canonique de la musique baroque. Il se produit au sein de divers groupes, notamment l’Ensemble Pygmalion et l’Ensemble Correspondances.
Venu de Perse puis d’Arabie en Espagne et, de celle-ci, à toute l’Europe, le luth, la ud, en deux mots en arabe (et longtemps en français) et laúd en un seul mot en espagnol, est un instrument aux cordes pincées parallèles sur un long manche, sur une caisse de résonance oblongue, en forme de grosse poire, forné d’une ou plusieurs rosaces. Le théorbe est un luth plus volumineux, et, comme son nom l’indique, l’archiluth est un luth de plus grandes dimensions, plus sonore. Les cordes sont groupées en chœurs, généralement de deux cordes. Diego Salamanca joue un luth à treize chœurs de Nicanor Oporto fait à Valdivia, Chili en 2000. Le luth considéré instrument aristocratique, perdit du terrain face à l’empire de la guitare facile à accorder et plus sonore. Louis XIV jouait des deux instruments.
Nous avions présenté, et apprécié sur nos ondes son précédent Cd, déjà label Seulétoile consacré, en 2020, aux œuvres de Sylvius Leopold Weiss, spécifiquement composées pour le luth. Cependant, le livret du disque signé de Diego Salamanca lui-même, nous apprend que les pièces de Bach attribuées au luth, le sont sans certitude, plus probablement composées sur un instrument à clavier à cordes pincées, non métalliques comme celles du clavecin, mais en boyau, comme celles du luth, le lautenwerke, paru et vite disparu, et dont aucun exemplaire original n’est parvenu jusqu’à nous.
Les pièces qui constituent le CD, la Suite en sol mineur BWV 995, la Partita en do mineur BWV 997 et le Prélude, Fugue et Allegro BWV 998 sont dans l’éventail de ce que l’on considère apport de Bach au répertoire du luth. Diego Salamanca n’en semble guère sûr, mais y trouve tout de même l’influence, la trace de luthistes contemporains, en particulier du virtuose de l’instrument Sylvius Leopold Weiss qui, de passage à Leipzig en 1739, aurait été un des invités de Bach. Peu importe, il est difficile de n’être pas touché par le Prélude de la Suite en sol mineur BWV 995 qui semble émerger du silence, un vrai ricercare à l’italienne, cherchant, un tiento en espagnol, cherchant, tentant comme à tâtons un chemin hésitant dans une nuit où les notes perlées, éparses, sont comme de rares étoiles qui, soudain, s’éclairent, vibrent, scintillent d’un trille doucement aiguisé, jouant entre deux sons. Écoutez :
1) PLAGE 1
De cette suite de danses alternant le lent et le vif, vive action et pièce plus reposante nécessaire aux danseurs, forcément dans une pièce, l’instrument ne se prêtant guère, par sa faible puissance, au plein air, écoutons quelques pas de la forcément gigotante gigue finale :
2) PLAGE 6
La Partita en do mineur BWV 997, partita étant presque synonyme de suite en Italie et Allemagne, est d’une belle et noble facture, avec un Prélude où deux voix semblent se répondre et cette fugue dont le motif, qu’on voudrait retenir semble toujours menacer de s’échapper, de fuir infiniment entre les rets de ce délicat filet de soie des cordes doucement tressées par le virtuose qui le retient captif :
3) PLAGE 8
La sarabande a comme des appoggiatures comme des sanglots commentés à voix basse par la corde grave :
4) PLAGE 9
La Fugue et Allegro BWV 998 a un Prélude tout piqueté note à note, perles isolées d’un impossible collier qui pourrait se défiler à l’infini comme la fugue suivante toujours courant à l’avant, impossible à rattraper, visant un infini inatteignable dont elle est pourtant l’image sonore.
Photos
En dehors de sa vie de musicien, Diego Salamanca est un photographe passionné qui fixe visuellement son contexte artistique, et nous en gratifie notamment dans les photographies qui accompagnent le présent enregistrement. En effet, le disque est orné, le CD lui-même, par des œuvres raffinées de simplicité : quatre photos de même format rectangulaire sauf la première, carrée, en page de garde du livret. Ces photos semblent des tableaux abstraits —dans la mesure où la couleur peut être abstraite— des à plat, un léger nappage harmonique de rouge nuageusement ombré de brun ou éclairci de jaune ; une seule de jaune délicatement dégradé vers le bas, dilué à la frontière de la couleur, ou teinté vers le haut jusqu’à son ombre bistre d’où émerge une vague brume, une note bleue qui fait doucement vibrer le sfumato des teintes, d’une légèreté de touche, qui en fait, dirait-on, des lavis, d’impondérables aquarelles. L’effet de planéité de ces surfaces fait joliment jeu contrastant visuel avec le pointillisme et la linéarité de la musique égrenée par le luth.
Site photos de D. Salamanca : http://www.diegosalamanca.com/
Nous quittons Diego Salamanca sur le forcément allègre Allegro BWV 998 :
5) PLAGE 13 : FIN
Je dédie cette émission au plus jeune luthiste de la classe de luth de Pascal Galon du Conservatoire d’Aix-en-Provence, donc, à Pioupiou, Lulu, Lucien, pour son huitième anniversaire. Et salue à la technique Guillaume et Thomas.
Benito Pelegrín
https://open.spotify.com/intl-fr/album/2PfUOHyGrrB64QsYD3798B?autoplay=true
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