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Célébration des saltimbanques et des collectionneurs au Mucem

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« En piste ! Clowns, pitres et saltimbanques… », la nouvelle exposition du Mucem (au J4), signée Macha Makkeïf, nous transporte dans l’univers incroyable des artistes de cirque entre sublime et tragique jusqu’au 12 mai à Marseille. Une programmation dédiée complète l’expérience.

Une exposition sublime et enchanteresse

On entre par un petit vestibule où nous accueillent entre deux grands tableaux, un perroquet bleu et un chien inquiétant aux larges babines. Le ton de l’exposition est donné. On entre dans l’univers merveilleux et intrigant du Cirque, de ses origines à nos jours.

Puis dans la grande salle de 1200m2, au centre, se dévoilent trois pistes de cirque. Dans la 1ère, trône la nana noire upside down (1965/66) de Niki de Saint Phalle, puis la 2ème s’ouvre sur le bestiaire de Macha et la 3ème offre à découvrir un défilé de mannequins noires revêtant leur apparat de clown.

Des petites nefs, cagibis, loges et autres recoins à peine cachés recèlent de merveilles : des marionnettes en bois de Guignol, l’Arlequin inachevé de Picasso, des œuvres de Daumier ou Fernand léger, de costumes de cirque chinois, des projections de films muets, des images de contorsionnistes à l’image de Chester Kingston, l’homme caoutchouc ; du danseur de music-hall anglais Little Tich ou encore de Sarah Bernard dans Théodora.

En fond de salle, deux roulottes exhibent leur habitacle en correspondance avec le stand de tir à la carabine placé du côté de la parade des mannequins.

Se raconte au travers de cette exposition surréaliste l’histoire des artistes, ces bêtes de foire ou freaks des cirques itinérants d’hier et d’aujourd’hui, le tout sublimé par un jeu de lumière délicat dans une scénographie intelligemment pensée.

Du grand art et pour ma part, une des meilleures expositions du Mucem ! DVDM

Interview de Macha Makkeïf

Les coulisses de l’exposition

« Pour l’exposition, comme pour un spectacle, j’ai fait une grande maquette où je pose l’espace, les châssis, les distances, puis les couleurs et je réfléchis aux effets cinétiques, je vais jusqu’à mettre des images à l’échelle des tableaux que je vais accrocher. L’avantage de travailler à l’ancienne avec une maquette, c’est que votre regard y entre, se faufile, et vous vous dites, ah, si je passe par là, je vois ça… »

« Je prévois énormément de choses, j’y travaille depuis 2 ans, mais parfois, un objet se met à parler, à répondre à une œuvre. Ce dialogue entre les œuvres d’art et les objets ou les accessoires de théâtre m’intéresse. J’ai une ronde d’objets qui ont tous joué et sont comme des acteurs qui me disent « mais alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? » Et les expositions sont là pour réinventer l’histoire avec ces déclassés, ceux qui n’ont plus leur place sur scène, on invente une autre scène pour qu’ils puissent jouer. »

« Le théâtre est ancré chez moi et je l’ai transporté au Mucem. J’ai voulu construire un récit pour que le public qui déambule, quel que soit son âge, et d’où qu’il vienne, puisse lui-même, elle-même, se raconter son histoire même si j’en raconte une. On peut regarder le spectaculaire, la subtilité entre deux œuvres, et s’interroger sur l’histoire de tel ou tel saltimbanque, connu ou moins connu ».

Bienvenue dans le Bestiaire du Bonimenteur

« C’est une célébration mystique de la condition du saltimbanque de Fratellini à Jacques Tati et du collectionneur, le docteur Frère. Médecin des clowns, des acrobates, des dompteurs, il les a vus grandir, être au sommet de leur carrière, et puis tout d’un coup, être comme dans les tableaux de Gustave Doré, dans un poème de Baudelaire, ou dans un film de Fellini, un vieux clown ou un vieil acrobate un peu boiteux. La figure de l’acrobate nous remet face à notre destin, raconte notre humanité. »

« Les artistes lui ont confié des petits trésors, un costume, une perruque, un accessoire, une paire de chaussures. Avec ces accessoires et costumes, j’ai imaginé une grande parade décalée pour créer un défilé Haute Couture avec des mannequins femmes. C’est aussi un hommage à ceux qui font les costumes de théâtre et à la Haute Couture, Lacroix que j’adore. Il y a aussi des costumes de la maison Jean Villard autour de l’Arlequin, des masques de théâtre et des costumes de mes spectacles, Alice versus  Lewis et des Apaches avec des extraits des Apaches et de films muets dans un Nickelodeon. »

«  Il y a ici et là des gestes de fantaisie, avec les bêtes, des spécimens du musée d’histoire naturelle, et des bêtes à moi qui ont toutes joué, à part le petit zèbre. C’est son premier rôle. […] Un livre aux éditions de la Martinière prolonge l’exposition. C’est un livre-objet, qui, d’une certaine façon, ressemble à l’exposition, alors qu’elle n’existait pas encore quand on l’a réalisé. »

« Le Mucem est le plus jeune musée national de France, on peut y faire toutes les expérimentations et ça, c’est formidable d’autant plus que je l’ai vu naitre quand j’étais directrice de la Criée. »

Des projets plein les poches

« Actuellement, je vis entre Marseille et Paris. Je prépare une exposition pour 2026 au Palais des Papes, qui s’appelle Les fantômes du Palais. Entre deux tournées de Don Juan avec ma troupe et un livre sur Tartuffe et Don Juan, en cours d’écriture,  je vais travailler sur un nouveau spectacle avec ma troupe, des acteurs magnifiques, et de jeunes artistes que j’ai rencontré au Fresnois. »

« Après avoir tourné un court métrage avec eux, j’ai eu l’envie de faire une création sous forme d’un Slapstick c’est-à-dire sans texte avec des personnages clownesques, un peu perdus, renouer avec ce que j’ai fait pendant longtemps, un peu dans le même esprit que l’exposition. J’aime beaucoup ce théâtre qui ne repose pas sur le texte, faire du théâtre avec juste le corps, les choses, les objets, la lumière même si j’aime aussi les grands textes. »

Propos recueillis par Diane Vandermolina/ Photos ©DVDM

Toutes les infos sur : En piste ! —Mucem

Rmt News Int • 9 janvier 2025


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