ROBERTO DEVEREUX
Roberto Devereux de Donizetti à Marseille est une fête du Bel Canto
Présenté en version concertante sur la scène phocéenne lors de quatre
représentations en novembre ayant attiré la foule, le cinquante-sixième
des soixante-dix œuvres théâtrales de l’infatigable Gaetano Donizetti
composé à un moment dramatique de son existence- il venait de perdre
son second fils et son épouse âgée de vingt-neuf ans- Roberto Devereux
qui demeure l’un des plus beaux et des plus dramatiques de toute sa
production prolifique. Il relate le destin tragique de Roberto
Devereux, deuxième comte d’Essex qui fut décapité en 1601 pour sédition
…et trahison amoureuse. L’ouvrage met en lumière Elisabeth 1ère reine
d’Angleterre qui apparaît comme une femme fière, outragée et partagée
entre passions personnelles et devoirs publics.
Sous la direction précise, inspirée, alerte et attentive aux chanteurs
d’Alain Guingal, l’orchestre de l’Opéra de Marseille apparaît en grande
forme ainsi que les chœurs. Il met en lumière toute la profondeur
dramatique de la partition du compositeur de Bergame.
Le ténor italien Stefano Secco dans le rôle- titre possède une voix
saine, souple et chaleureuse au service d’un engagement et d’une
vaillance vocale de tous les instants. Il offre un Roberto élégant et
sensible au chant raffiné qui confère à la quintessence du chant bel
cantiste. Notons qu’il est le seul à chanter sans partition…
À ses côtés, Marielle Devia, âgée de 63 ans, est une Elisabetta rare et
remarquable. Elle offre un timbre somptueux et une facilité
déconcertante dans les aigus... On loue ses sons filés, un legato inouï
de nos jours, une ligne de chant à montrer dans toutes les écoles de
chant, une intacte virtuosité qui fait de son incarnation d’Elisabetta
: une leçon de chant à en frissonner de plaisir et d’émotion ! Avec
elle, le temps semble suspendu à une note, à l’émotion pure livrée par
la mélodie donizettienne… Il y a une part de miracle. Après Leyla
Gencer, Sills et Caballé, on pourra dire, il y a eu la Devia dans
Elisabetta ! Et dire que c’était la première fois que cette immense
cantatrice chantait à Marseille quand je pense à ses incarnations de
Lucia, de Lucrezia Borgia ou Maria Stuarda… Béatrice Uria-Monzon en
Sara,l’amante de Devereux et rivale de la reine affiche une belle santé
vocale et met son beau mezzo-soprano au service de l’émotion. On
aimerait l’entendre plus souvent dans ce répertoire bel cantiste. Fabio
Mario Capitanucci possède la noirceur élégante et la noblesse de chant
qui sied au Duc de Nottingham. On tient un quatuor vocal de légende.
Soulignons les prestations exemplaires de Julien Dran et Jean-Marie
Delpas.
Ces représentations ont été saluées par d’interminables ovations du
public. Ce Roberto Devereux appartient désormais à la grande histoire
de l’Opéra de Marseille…SERGE ALEXANDRE